Plan Trump pour Gaza : un génocide au profit du capital

Le Washington Post a révélé le 31 août un document qui a de quoi glacer le sang : un plan conçu par Donald Trump et ses partenaires pour transformer Gaza en une “Riviera du Moyen-Orient”. Le projet prévoit la mise sous tutelle américaine de l’enclave et la “relocalisation volontaire” de plus de deux millions de Palestiniens.
Dans le détail, le plan imagine la création d’un « trust » chargé de gérer Gaza pendant une dizaine d’années. Pendant ce temps, la population serait déplacée, soit vers des pays tiers, soit regroupée dans des zones “sécurisées”. Pour rendre l’opération acceptable, chaque départ serait indemnisé par une somme de cinq mille dollars, quelques années de loyers pris en charge et des tickets de nourriture. Les propriétaires recevraient un jeton numérique censé garantir des droits de réaménagement ou l’accès à un appartement futur dans l’une des “villes intelligentes” promises sur les ruines de l’enclave.
À terme, la bande côtière serait réaménagée en complexes touristiques de luxe, tandis que l’intérieur accueillerait des zones industrielles, des autoroutes et des tours d’habitation flambant neuf. La rentabilité de l’investissement est présentée comme exceptionnelle, les investisseurs privés seraient assurés de quadrupler leur mise en dix ans.
Pour financer l’opération, le plan prévoit de mettre en gage près d’un tiers des terres de Gaza, considérées comme “publiques” et donc immédiatement transférables. À terme, la bande côtière serait réaménagée en complexes touristiques de luxe, tandis que l’intérieur accueillerait des zones industrielles, des autoroutes et des tours d’habitation flambant neuf. La rentabilité de l’investissement est présentée comme exceptionnelle, les investisseurs privés seraient assurés de quadrupler leur mise en dix ans. La promesse est claire : Gaza, débarrassée de ses habitants, deviendrait un actif spéculatif rentable. De quoi attirer les promoteurs, étant donné qu’Israël s’est déjà chargé de la destruction de toutes les infrastructures existantes dans le cadre de son génocide en cours depuis plus de deux ans.
La Nakba comme matrice
Pour les Palestiniens, cette vision n’a rien d’original. Elle s’inscrit dans une histoire longue où l’effacement des Palestiniens est la condition préalable à la valorisation de leurs terres. En 1948, plus de 700 000 d’entre eux furent contraints à l’exil ou expulsés de leurs maisons, lors de ce que la mémoire palestinienne appelle la Nakba, la catastrophe. Des centaines de villages furent détruits ou vidés de force et de nos jours, au Liban, en Jordanie et partout dans le monde, environ 5,9 millions de Palestiniens attendent leur droit légitime au retour, reconnu par l’UNRWA.
L’historien israélien Ilan Pappé, l’un des premiers à étudier les archives militaires de l’époque, a montré que ces déplacements n’étaient pas seulement la conséquence du chaos de la guerre, mais bien le résultat d’une politique pensée et assumée d’expulsion. La continuité est frappante : c’est le même scénario qui est proposé aux Palestiniens de Gaza, avec la promesse d’un droit au retour qui, comme pour la Nakba, n’arrivera jamais et un régime israélien qui serait récompensé d’une nouvelle extension de territoire pour son génocide.
La continuité est frappante : c’est le même scénario qui est proposé aux Palestiniens de Gaza, avec la promesse d’un droit au retour qui, comme pour la Nakba, n’arrivera jamais et un régime israélien qui serait récompensé d’une nouvelle extension de territoire pour son génocide.
La résistance, les partis politiques ainsi que les associations palestiniennes ont toujours averti que c’était l’objectif des massacres israéliens que l’on observe depuis plus de deux ans : l’occupation de la bande de Gaza, et non la libération des otages israéliens. Depuis plusieurs mois, des responsables israéliens n’hésitent plus à revendiquer une vision coloniale des massacres en cours. Le 15 août, Benjamin Netanyahu a déclaré sur la chaîne i24NEWS qu’il se sentait « très attaché » à l’idée d’un Grand Israël, qu’il a présentée comme une mission historique et spirituelle des générations juives. En juillet, Amihai Eliyahu, ministre du Patrimoine, a déclaré lors d’une interview sur la radio israélienne Kol Barama que « le gouvernement se précipite pour effacer Gaza, et Dieu merci nous effaçons ce mal. Toute la bande de Gaza sera juive. »
Couple colonial
Si ce projet paraît familier, c’est qu’il s’inscrit dans une double tradition coloniale, américaine et israélienne. Les États-Unis ont eux-mêmes bâti une grande partie de leur territoire sur l’éviction des peuples autochtones. L’Indian Removal Act de 1830 a ainsi entraîné la déportation massive des Cherokees et d’autres nations amérindiennes, au prix de milliers de morts, sur la route devenue tristement célèbre sous le nom de “Piste des larmes”. La dépossession était déjà justifiée par l’idée que les terres devaient être “mieux utilisées” par d’autres.
En Israël, la colonisation de la Cisjordanie se poursuit depuis des décennies avec l’assurance que les États-Unis (ni les Européens, par ailleurs) ne sanctionneront jamais cette entreprise. Les démolitions de maisons, l’extension des colonies, les routes réservées aux colons se déploient sous le parapluie diplomatique américain.
L’alternative portée par Emmanuel Macron se veut plus pacifiste : une reconnaissance officielle de l’État palestinien par la France, une première au sein du G7, mais conditionnée à la démilitarisation de l’État palestinien. Dans un cas, on organise l’expulsion et la reconstruction au service des investisseurs, dans l’autre, on consacre un État faible, incapable de résister à la colonisation continue de ses terres
Dès la fin des années 1980, des historiens comme Avi Shlaïm, spécialiste du colonialisme, ont démontré que la politique israélienne s’inscrivait dans un projet colonial assumé, rendu possible par un « soutien extérieur constant », au même moment où les premiers travaux de sociologues israéliens, comme ceux de Baruch Kimmerling, faisaient apparaître le sionisme comme un projet colonial de peuplement, Israël se définissant alors comme une société de colons immigrants, comparable à d’autres sociétés coloniales telles que les États-Unis, l’Australie, l’Algérie française ou l’Afrique du Sud. La “Riviera de Gaza” n’est qu’une déclinaison contemporaine qui s’appuie sur le cynisme de Trump : la dépossession armée, habillée du langage économique et sécuritaire, mise à profit du capital qui ne voit dans le génocide en cours de la population gazaouie qu’une opportunité d’investissement. En bref, une continuité.
Deux options empoisonnées offertes par l’Occident
Face à la Palestine, l’Occident semble aujourd’hui proposer deux impasses. Le plan Trump, révélé par le Washington Post, envisage ni plus ni moins qu’un nettoyage ethnique des habitants de Gaza, sous couvert de volontariat. L’alternative portée par Emmanuel Macron se veut plus pacifiste : une reconnaissance officielle de l’État palestinien par la France, une première au sein du G7, mais conditionnée à la démilitarisation de l’État palestinien. Dans un cas, on organise l’expulsion et la reconstruction au service des investisseurs, dans l’autre, on consacre un État faible, incapable de résister à la colonisation continue de ses terres. Les deux options sont bien sûr très différentes, mais le postulat reste le même : la Palestine n’a pas droit à une souveraineté effective. Dans les deux cas, il s’agit de prolonger la dépossession et d’effacer la capacité des Palestiniens à vivre libres sur leur propre terre.
Le projet Trump comme la feuille de route de Macron sont deux visages d’une même impasse, qui transforme la Palestine en terrain d’expérimentation coloniale ou en Bantoustan légal.
Photo de Ahmed Abu Hameeda sur Unsplash
Amine Snoussi
