Budget Bayrou : qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?

Mardi 15 juillet, le premier ministre issu d’un gouvernement minoritaire a annoncé le plan d’économie le plus violent que nous ayons récemment connu. Le programme est simple : prendre aux pauvres, aux fonctionnaires, aux malades, aux salariés, aux retraités pour pouvoir continuer de donner aux riches. Que contient son plan et pourquoi cela représente-t-il un tournant que nous ne devons pas tolérer ?
40 milliards d’économie à faire d’urgence pour éviter le “surendettement” : une grave intox
C’est le très poli journal Le Monde qui le disait hier : le chiffre de 40 milliards d’économie à effectuer impérativement se base sur du vent. Il s’appuie sur une projection hypothétique de ce que serait le budget de l’Etat en 2026 si rien n’était fait. Ce chiffre n’a donc aucune consistance, hormis pour légitimer un plan d’économie ultra violent.
Le premier ministre a commencé son discours en parlant du poids écrasant de la dette, qui nécessiterait tous les sacrifices. Là encore, c’est une intox, devenue si courante qu’on ne rend plus compte. « C’est une malédiction pour les familles, pour les entreprises et pour un pays. C’est une malédiction qui n’a pas d’issue. Alors bien sûr, pendant longtemps, on ne voit pas le risque, on s’en accommode, on détourne les yeux. Et puis un jour, on est rattrapé et on ne peut plus payer ce qu’on doit. Alors c’est la crise, la vraie crise. » Cette phrase qu’il a prononcé au début de son discours est un mensonge pur : L’État renouvelle indéfiniment sa dette (il « roule sa dette »), et ce ne sont que les intérêts qui sont à la charge des contribuables (50 milliards d’euros en 2024). En effet, à l’inverse des ménages qui remboursent le capital prêté et payent les intérêts chaque mois jusqu’à l’échéance, l’État ne paye que les intérêts chaque année et rembourse la totalité du capital à l’échéance. Et pour le faire, il s’endette du montant nécessaire. Le “surendettement” de la France n’est possible que si les marchés financiers augmentent drastiquement les taux d’intérêts, or, s’ils ont augmenté largement en raison du contexte politique instable lié à la dissolution de l’Assemblée Nationale, l’augmentation reste lente. Quant à la comparaison avec les entreprises, elle est plutôt rassurante en réalité : L’une des manières de mesurer la dette d’une entreprise est de la mettre en regard des actifs détenus. Si on applique le même calcul à l’État, son taux d’endettement est très faible. Selon l’INSEE, fin 2022, le patrimoine économique national s’élevait à 20 052 milliards d’euros en France. La dette publique s’établissait quant à elle à 2 950 milliards d’euros, ce qui fait un taux d’endettement autour de 15 % seulement. En comparaison, en moyenne, en France, le taux d’endettement des entreprises dépasse les 35%.
Si la charge des intérêts de la dette est lourde, la France n’est pas dans une situation urgente ou vitale vis-à-vis de sa dette publique. C’est un mensonge pur et simple, qui vise à créer de toute pièce une situation où la réflexion serait paralysée par l’impérieuse nécessité d’agir vite. Et pour cause : il s’agit de justifier une attaque sans précédent contre les classes laborieuses.
Des choix d’économies criminels
Bayrou annonce la réduction de la prise en charge des maladies chroniques et de leurs médicaments et propose que la reprise du travail en cas d’arrêt maladie longue durée puisse être déterminée par les médecins généralistes et plus les médecins du travail, comme actuellement. Il s’agit de forcer des gens malades durant une longue durée de retourner trimer, au détriment de leur santé et d’un possible aménagement de leur poste de travail.
Bayrou a également annoncé une “année blanche” en 2026. Cela consiste à geler toutes les prestations sociales et de toutes les dépenses publiques, sans tenir compte des évolutions des besoins et surtout de l’inflation. C’est donc appauvrir tout le monde et c’est un plan d’austérité violent, pour tout le monde, des services publics nationaux aux collectivités territoriales, aux retraités etc. On ne voit pas comment une telle chose est possible tant la mesure est stupide de simplicité et de violence aveugle. On ne voit pas comment cela ne créera pas un précédent qui empêcherait par la suite toute revalorisation, en fonction de l’inflation, de la démographie et des besoins.
Pour rappel, 15,4 % de la population française – soit 9,8 millions de personnes – vivait sous le seuil de pauvreté en 2023, c’est-à-dire avec moins de 1 288 euros par mois pour une personne vivant seule. Un niveau inédit depuis … 1996. Depuis le début du premier quinquennat de Macron, le nombre de SDF a été multiplié par deux, avec 350 000 personnes qui dorment dans la rue. Selon l’INSEE, 13% de la population est en situation de privation matérielle et sociale en 2025. Concrètement, cela représente 8,6 millions de personnes ne peuvent pas couvrir au moins cinq des treize besoins considérés comme souhaitables, voire nécessaires à un niveau de vie correct (possession de deux paires de chaussures, dépenser une petite somme librement, s’acheter des vêtements neufs, se payer une voiture, avoir un accès Internet à domicile…). C’est le double par rapport à 2015. L’année blanche c’est l’assurance de rendre encore plus catastrophique ce sinistre bilan, qui provoquerait le départ de tout gouvernement si l’on vivait dans une démocratie.
Des cadeaux supplémentaires au patronat et aux actionnaires
« Il faut que toute la nation travaille plus (…) pour que l’activité du pays dans son ensemble soit plus importante dans l’année, pour que la situation de la France s’améliore. Je propose donc que deux jours fériés soient supprimés » : il s’agira du 8 mai et du lundi de Pâques. Le patronat peut se frotter les mains puisque c’est un cadeau qui leur est fait au passage. Concrètement, les travailleuses et les travailleurs vont offrir deux jours supplémentaires de travail, gratuitement, aux actionnaires et aux patrons. La France ne comptera alors plus que neuf jours fériés, ce qui la placera au niveau le plus bas en Europe, aux côtés du Danemark, de l’Irlande et des Pays-Bas.
Bayrou a ensuite annoncé une nouvelle réforme des règles de l’indemnisation chômage, qui a déjà fait l’objet de plusieurs réformes depuis 2018, qui ont appauvri les chômeurs – Les allocataires ont perdu en moyenne 18% de leur revenu par jour d’indemnisation – sans créer davantage d’emploi ni réduire le nombre de contrats précaires, comme le gouvernement l’avait annoncé, sans préciser son nouvel objectif. Mais nous, on le connaît : il s’agit de compliquer encore davantage l’accès aux indemnités pour fournir au patronat une main d’œuvre docile, conformément à ses demandes.
Par ailleurs, sans qu’on comprenne le rapport avec le sujet budgétaire, Bayrou a annoncé une nouvelle réforme du code du travail, avec des “simplifications”, bon vieux thème qui, jusqu’à présent, n’a conduit qu’à des reculs des droits sociaux. « Le gouvernement proposera de régler ces questions par ordonnances parce qu’il s’agit d’une urgence nationale » a-t-il précisé. Or, s’il n’y a pas d’urgence sur la dette publique, il y en a encore moins sur le droit du travail, hormis l’urgence de contenter Bernard Arnault et le MEDEF.
On sait où trouver l’argent et il faudra aller le chercher
L’origine de l’augmentation de la dette, qui terrifie Bayrou, est connue : elle est liée à la réduction des recettes et non à l’explosion des dépenses publiques, comme il le prétend. C’est parce que certains ont été exonérés d’impôts et de cotisations que les finances publiques vont si mal. C’est l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qui le dit dans une note publiée il y a quelques jours, pointant les effets de la baisse des cotisations sociales patronales pour les entreprises depuis 2017.
Nous aussi on le disait, en nous basant sur les travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur les aides aux entreprises : ce sont 211 milliards d’euros par an que les entreprises, et plus particulièrement les grosses, se partagent en subvention, réductions d’impôts, exonérations de cotisations patronales. Et ce, sans aucune transparence et surtout aucun contrôle.
Le vol en bande organisée dont nous sommes victimes est clair : Macron et ses sbires ont sciemment organisé le déficit public en mettant de moins en moins à contribution les entreprises et leurs actionnaires. Et maintenant, sur la base de mensonges éhontés sur la dette publique, ils nous demandent, à nous, de passer à la caisse en travaillant gratuitement, en ne pouvant plus être indemnisé quand on est malade et au chômage et en en profitant, au passage, pour faire de nouveaux cadeaux au patronat ?

Jusqu’à quand continuera-t-on à se faire piller ainsi ? Jusqu’à quel niveau d’engraissage des possédant accepterons-nous de voir des proches mourir sur un brancard, des amis devenir fous à cause du travail, nos parents et nos enfants appauvris chaque année davantage par l’inflation et les bas salaires ?
Les annonces de Bayrou vont devoir faire l’objet de projets de lois, de décrets, d’ordonnances qu’il sera possible de mettre en échec. Il va falloir que les forces syndicales sortent de la léthargie dans laquelle elles semblent plongées depuis le putsch post-dissolution mais surtout que, sans attendre les mots d’ordre des organisations établies, la population remette son gilet jaune : c’est notre seul chance d’échapper à l’horreur qu’ils nous préparent.
Ce gouvernement n’a aucune légitimité démocratique : il y a tout juste un an, les macronistes étaient battus à plate couture aux élections. Il faut le dire et le redire autour de nous : ils n’ont pas la moindre légitimité à nous faire payer davantage et nous faire soigner moins bien. Partout, la désobéissance doit s’étendre : aucun fonctionnaire, aucun agent, ne devrait accepter de recevoir des ordres d’eux. Bayrou, le menteur de Betharram, ce politicien intriguant et détestable qui nous hante depuis notre naissance, doit partir. Macron, ce président bourgeois, arrogant et si sûr de lui, doit dégager. Il est vraiment temps pour lui de nous voir “venir le chercher”.

Nicolas Framont
Rédacteur en chef
