Logement : il est temps de faire la guerre aux multipropriétaires

Le tableau, on commence à le connaître : en France, la part du budget des ménages consacré au logement augmente constamment depuis les années 80, pour atteindre le tiers des dépenses des ménages en moyenne. Il n’est pas rare de consacrer un quart voire la moitié de son salaire à payer son loyer, tandis que les personnes qui parviennent à accéder à la propriété remboursent chaque mois leur banque, endettées pendant des décennies. D’autres consacrent une énergie folle à retaper une maison abordable mais en piètre état. Cet état de fait serait lié au “marché immobilier”, dont les logiques mystérieuses nous dépasseraient tous, et dont aucun individu ne serait responsable. Être multipropriétaire, c’est-à-dire louer des logements en plus de celui dont on a l’usage personnel, serait de toute façon une immense source de tracas : angoisse des squatteurs, peur des impayés, imbroglios réglementaires et travaux de rénovations : à la télévision et dans la presse, on n’entend qu’eux, exprimer leur souffrance et leurs soucis. Pourtant, chaque année, l’INSEE nous révèle l’ampleur du mensonge : ces multipropriétaires ne sont pas de sympathiques retraités qui louent un studio pour améliorer leurs pensions. La moitié des logements loués le sont par des propriétaires de 5 logements ou plus ! 3,5% des ménages possèdent à eux seuls 50% du parc locatif. Et ce sont ces multipropriétaires qui choisissent de laisser 1,8 millions de logements vacants alors que 330 000 personnes sont sans domicile, deux fois plus qu’il y a dix ans. Face à cet état de fait, une seule question : à quand la révolte ?
Le mythe du petit propriétaire
La “crise du logement” est devenu un thème médiatico-politique aussi ordinaire que la “crise “économique”. Il n’y aurait pas assez de logements, pas en assez bon état et trop chers. Face à cela, que faire ? Quelques tentatives de régulations – encadrement des loyers ou restriction à la location de passoires thermiques – se heurtent à une figure médiatique aussi envahissante que celle du “petit commerçant” en période de mouvement social ou du restaurateur lors des pénuries de main d’œuvre : le “petit propriétaire”.
À Grenoble, la métropole a décidé de mettre en place un encadrement des loyers à partir de janvier. Dans la presse, les larmes coulent : “Beaucoup de bailleurs privés n’ont qu’un appartement. Ce sont eux qu’on met de côté avec ces mesures” raconte par exemple Cyril Ravier, administrateur de la FNAIM Isère. La Fédération Nationale de l’Immobilier ou FNAIM est le syndicat des patrons de l’immobilier. Il rassemble agences, syndics, experts etc… Pas spécialement des crève-la-dalle. La FNAIM mène la lutte des classes du logement puisqu’elle fait du lobbying pour augmenter les exonérations fiscales de propriétaires et, en 2020, était à l’initiative d’un projet de “liste noire”, consultable par tous les bailleurs, des locataires ayant connu des retards ou impayés de loyer. Face aux critiques de sa pulsion de fichage, la FNAIM avait dû lâcher l’affaire. Mais revenons à nos “petits propriétaires” grenoblois : pour le département de l’Isère, l’INSEE n’indique pas de très grande différence avec la moyenne nationale : 64,6% des logements y sont détenus par un multipropriétaire.
La moitié des logements loués le sont par des propriétaires de 5 logements ou plus ! 3,5% des ménages possèdent à eux seuls 50% du parc locatif. Et ce sont ces multipropriétaires qui choisissent de laisser 1,8 millions de logements vacants alors que 330 000 personnes sont sans domicile, deux fois plus qu’il y a dix ans.
Comme avec les “petites entreprises” dont nos politiques aiment répéter, pour justifier la non-augmentation du SMIC qui les fragilise, qu’elles sont très nombreuses en France, le piège est statistique. En valeur absolue, les “petits” multipropriétaires, c’est-à-dire ceux qui ne possèdent que deux logements, sont effectivement nombreux. Mais en proportion du nombre de logements, ces “petits” multipropriétaires ne représentent qu’une minorité : 29,7%. Les deux tiers des logements restants appartiennent à des moyens et gros, voire très gros multipropriétaires. De la même manière, s’il est vrai que les micro-entreprises (- de 10 salariés) sont, en valeur absolue, plus nombreuses (96,2% des entreprises), 70 % d’entre elles n’ont aucun salarié. Et toujours selon l’INSEE, la majorité des salariés français (7,9 millions de personnes, soit 54%) travaillent dans des entreprises de plus de 250 salariés. On comprend pourquoi les politiques préfèrent compter en valeur absolue : cela leur permet d’invisibiliser le fait qu’en fait, ils favorisent les plus grosses entreprises au nom de la défense des petites.
Il en va de même pour les multipropriétaires : pour attirer l’empathie sur leur pauvre sort, leurs lobbies et les médias les font plus petits qu’ils ne le sont. Pour cela, ils prennent un terme bien trompeur, dont il faut nous aussi se distancier : “propriétaires”. Le mot propriétaire confond celui qui loue un logement à quelqu’un d’autre et en tire une rente et celui qui vit dans son propre logement dont il paye toujours le crédit. La moitié des Français étant dans ce dernier cas, ils peuvent s’identifier à ceux qui portent le même nom qu’eux… mais dont la condition n’a rien à voir. Car même les “petits” multipropriétaires sont très à l’aise financièrement. L’INSEE nous dit que “le niveau de vie médian des multipropriétaires, qui prend en compte tous les revenus de leur ménage y compris les loyers perçus, est supérieur d’un quart à celui des monopropriétaires (30 700 euros contre 25 000 euros) et de moitié à celui des personnes non-propriétaires (19 900 euros) en France hors Guadeloupe, Guyane et Mayotte”. Tout va bien pour eux.
Pour attirer l’empathie sur leur pauvre sort, les lobbies des multipropriétaires et les médias les font plus petits qu’ils ne le sont. Pour cela, ils prennent un terme bien trompeur, dont il faut nous aussi se distancier : “propriétaires”. Le mot propriétaire confond celui qui loue un logement à quelqu’un d’autre et en tire une rente et celui qui vit dans son propre logement dont il paye toujours le crédit. La moitié des Français étant dans ce dernier cas, ils peuvent s’identifier à ceux qui portent le même nom qu’eux
Pourtant les larmes coulent régulièrement, sur l’encre des journaux : la presse belge n’est pas en reste puisque le 4 avril dernier le journal Sudinfo titrait “Révolution à Bruxelles où la Région interdit les loyers abusifs : « Si ça continue, on va finir par tout vendre », déplore Gérald, propriétaire ixellois”. L’interdiction en question, votée au début du mois, renforce un encadrement des loyers qui était déjà en vigueur mais sans effet contraignant sur les multipropriétaires. Dans la capitale belge, on pouvait déjà signifier un loyer excessif à une commission paritaire mais celle-ci rendait un avis non contraignant. Or, en deux ans, les loyers ont augmenté de 15% à Bruxelles… Le texte voté par une coalition de gauche permet donc de contraindre son propriétaire à réduire son loyer en cas d’excès par rapport à des grilles qui, comme en France, restent très proches de la moyenne du marché (et ne permettent donc pas une baisse générale des loyers). Pourquoi Gérald est-il donc si triste ? Sa situation de petit propriétaire est-elle donc si précaire ? “Pour Gérald et sa femme, c’est la douche froide”, débute l’auteur de cet article. La suite va vous surprendre : “Propriétaire de 17 appartements, cet Ixellois est résigné. « Si ça continue dans cette tendance, on va finir par tout vendre ».” Voici donc un énorme rentier qui admet pratiquer des loyers abusifs (puisqu’il semble si abattu par la loi d’encadrement) mais à qui ce média appartenant au principal groupe de presse belge donne une tribune inédite pour son indécente chialerie.
Le “petit propriétaire” est une figure mythique, uniquement destinée à couvrir les agissements et maintenir le règne de la caste des multipropriétaires qui s’est, en France comme en Belgique, considérablement enrichi au cours des dernières décennies.
“C’est pas moi c’est le marché”
Les multipropriétaires font partie de la classe bourgeoise, puisqu’ils s’enrichissent grâce à leur patrimoine sur notre dos, ils exploitent notre besoin d’avoir un toit. Et comme tous les bourgeois, ils ont des récits à leur disposition pour justifier ou excuser leur action. Leur récit favori c’est “le marché immobilier”.
Le marché immobilier passe par un élément aussi naturel dans nos vies que la gravité ou le rythme des saisons. Pourtant, il n’a pas toujours été aussi déterminant dans nos vies. De 1914 à 1945, en France, les prix des loyers sont bloqués et le marché est de fait stoppé. La spéculation est alors faible car peu pratiquable. En 1948 les loyers sont débloqués pour les logements neufs et en 1986 pour tous les logements. Le début des années 2000 voit la constitution d’une véritable bulle spéculative immobilière. L’immobilier devient un marché essentiel du capitalisme : un secteur où la spéculation rapporte gros, tandis que la construction de bâtiments est particulièrement rentable.
Pour le géographe David Harvey, le capitalisme se trouvant régulièrement face à une crise de débouchés, les villes et le logement, ainsi que la spéculation immobilière, offrent une opportunité incroyable pour investir et activer de nouveaux marchés très rentables, avec le soutien des Etats qui ouvrent ces nouveaux espaces ou facilitent, via des législations favorables, le déploiement de ce marché.
Il faut dire que le logement et les villes sont devenues un nouveau moyen d’accumulation de capital : pour le géographe David Harvey, le capitalisme se trouvant régulièrement face à une crise de débouchés, les villes et le logement, ainsi que la spéculation immobilière, offrent une opportunité incroyable pour investir et activer de nouveaux marchés très rentables, avec le soutien des Etats qui ouvrent ces nouveaux espaces ou facilitent, via des législations favorables, le déploiement de ce marché. En France, ces dernières décennies, l’Etat a favorisé le déploiement du marché immobilier et la prédation des multipropriétaires qu’il permet en limitant la part du logement social dans le parc locatif total. Depuis 10 ans, le parc social, c’est-à-dire non soumis à toutes les règles du marché immobilier, a augmenté nettement moins vite que la demande… Laissant aux multipropriétaires du parc privé le soin de loger tout ce petit monde.
Ce processus enrichit considérablement une minorité, qui fait fructifier son patrimoine immobilier au fil des générations… et appauvrit la majorité, qui passe toute une partie de ses revenus dans des loyers ou des crédits sans en voir le bout. Devenir propriétaire de son logement est perçu, dans la plupart des milieux sociaux moyens et modestes, comme un Graal, car cela permet de s’extraire de la folie du marché immobilier.
Ce marché ne repose pas sur des abstractions : il enrichit la minorité possédante et fonctionne selon des règles qu’elle fixe. Et ces règles sont de plus en plus strictes et abusives à mesure que son pouvoir augmente. Or la “crise du logement” est bien là. Elle est liée à un nombre insuffisant de logement – largement du fait des multipropriétaires qui en laissant 1,8 millions vacants pour des motifs notamment spéculatifs (attendre que les prix augmentent pour vendre un bien et maximiser sa plus-value). Par conséquent, face à une demande croissante, les multipropriétaires ou leur représentant (les agences immobilières) multiplient les demandes abusives envers les demandeurs de logement : ainsi, nombreux sont ceux qui exigent désormais des lettres de motivation, une pièce dont la demande est pourtant illégale depuis 2015.
Le marché immobilier ne repose pas sur des abstractions : il enrichit la minorité possédante et fonctionne selon des règles qu’elle fixe. Et ces règles sont de plus en plus strictes et abusives à mesure que son pouvoir augmente.
«Je ne me base pas que sur ça mais ça me donne une première idée et ça m’aide dans ma sélection avant d’organiser les visites, raconte dans 20 minutes, Marcel, un propriétaire de 12 logements en Île-de-France. Le plus important pour moi, c’est l’orthographe et les formulations, on peut déjà voir si la personne est éduquée (…) C’est quand même chez moi, j’ai bien le droit de savoir qui y loge, non ?”. Un autre multipropriétaire, rapporte Slate, a une justification encore plus révélatrice : “Imaginez si vous essayez d’embaucher quelqu’un, vous avez des tas de candidats […]. Là, c’est pareil”. Les multipropriétaires jouent souvent sur ces deux registres : d’un côté ce sont des exploiteurs qui vous recrutent pour les engraisser, de l’autre ce sont des sentimentaux attachés au logement qu’ils louent et qui espèrent y caser une gentille famille, selon leur goût. Des sortes de petits playmobils avec qui jouer.
“Plutôt des touristes que des pauvres”
C’est pourquoi les personnes handicapées ou les personnes racisées, qui ne correspondent pas à cette exigence, sont très discriminés au sein de ce “marché” qui ressemble chaque année davantage à un tri social et racial. Dans son dernier rapport sur le mal-logement, la Fondation pour le logement des défavorisés (anciennement Fondation Abbé-Pierre) montre que les personnes handicapées ont nettement moins de chance d’obtenir un logement dans le parc privé car leurs revenus sont moindres mais aussi parce que de nombreux multipropriétaires refusent tout bonnement les revenus liés au handicap (Allocation Adulte Handicapé ou Pensions d’invalidité). Ensuite, “marché” ou pas, le monde de l’immobilier pratique une discrimination raciste décomplexé. En 2022, l’association SOS Racisme a fait un test auprès de 136 agences immobilières dans la France entière, se faisant passer pour des bailleurs souhaitant louer leurs biens mais refusant tout locataire d’origine étrangère ou supposée comme telle, en particulier “les noirs et les arabes”. Près de la moitié des agences ont accepté de faire ce travail de sélection – illégal – pour eux.
Les multipropriétaires jouent souvent deux registres : d’un côté ce sont des exploiteurs qui vous recrutent pour les engraisser, de l’autre ce sont des sentimentaux attachés au logement qu’ils louent et qui espèrent y caser une gentille famille, selon leur goût. Des sortes de petits playmobils avec qui jouer.
Le marché immobilier n’est donc pas neutre : c’est une machine à exclure les pauvres et les minorités pour le compte des multipropriétaires qui choisissent activement ce mode de fonctionnement. Plus le marché se tend, plus l’exclusion augmente. Cela aboutit notamment à un processus que l’on nomme gentrification : les centre-villes des métropoles et certains quartiers qui prennent de la valeur immobilière se vident en quelques années de leurs habitants de classes laborieuses au profit de catégories plus aisées… qui parfois ont été chassés de quartiers centraux devenus des ilôts de spéculation, d’appartements pour gens riches ou de zones touristiques où la plateforme AirBnb a créé un nouveau débouché ultra rentable pour les multipropriétaires.
La partie émergée de la gentrification c’est l’ouverture de commerce et de lieux qui reflètent le mode de vie des nouveaux arrivants. C’est de celle-ci dont on parle le plus, dont on se moque, contre laquelle on est en colère… Les “bobos”, catégorie sociale floue, apportée dans le débat public par la droite conservatrice et qui désigne souvent des personnes aux revenus modestes poursuivis par la spéculation immobilière loin des centres-villes, sont l’objet de tous les quolibets, nettement plus que les bourgeois. Alors que ce qui est déterminant dans la gentrification c’est la partie immergée de l’iceberg : le pouvoir qu’ont les multipropriétaires de décider quelle type de population ils veulent dans un quartier donné. Ces multipropriétaires, souvent organisés, connectés au pouvoir public, aux structures commerciales et médiatiques, peuvent lancer de véritable fronts d’embourgeoisement qui visent à transformer des quartiers entiers d’où ils font progressivement partir les habitants.
La gentrification c’est le pouvoir qu’ont les multipropriétaires de décider quelle type de population ils veulent dans un quartier donné. Ces multipropriétaires, souvent organisés, connectés au pouvoir public, aux structures commerciales et médiatiques, peuvent lancer de véritable fronts d’embourgeoisement qui visent à transformer des quartiers entiers d’où ils font progressivement partir les habitants.
Ce processus existe dans les grandes villes mais aussi dans les villes côtières et touristiques : le touriste étant un habitant moins exigeant, plus profitable et plus “attractif” pour le commerce local, les départements côtiers connaissent une pénurie de logements pour ses habitants dont les revenus et la stabilité sont sacrifiés au profit du tourisme qui profite davantage aux multipropriétaires et aux patrons locaux.
Ailleurs dans le monde, la révolte gronde
Le samedi 5 avril ont défilé dans plusieurs villes d’Espagne des milliers de manifestants désireux d’en finir avec le règne des multipropriétaires sur leur vie. Il faut dire que l’Espagne est un pays où le parc de logement social est très réduit et où la spéculation immobilière joue pleinement, ainsi qu’un attrait des bailleurs pour les locations touristiques. Les loyers ont considérablement augmenté ces dernières années et privent les gens de leur stabilité ainsi que de leur indépendance (les jeunes espagnols quittent en moyenne le domicile parental vers l’âge de 30 ans). Un même mouvement de protestation a débuté en Allemagne en 2018, notamment à Berlin, avec des grandes manifestations.
Le samedi 5 avril ont défilé dans plusieurs villes d’Espagne des milliers de manifestants désireux d’en finir avec le règne des multipropriétaires sur leur vie. Un même mouvement de protestation a débuté en Allemagne en 2018, notamment à Berlin, avec des grandes manifestations.
« Il faut en finir avec ce système parasitaire qui dévore les salaires et notre avenir » a déclaré samedi 5 avril Valeria Racu, la porte-parole du Syndicat espagnol des locataires, dans des propos rapporté par Le Monde. Les termes sont dits : le fait que des gens puissent s’enrichir sur les besoins en logement des autres est un système absolument parasitaire, qui nous entrave et nous angoisse.
Alors que faire ? Les solutions proposées par les gouvernements successifs, notamment celui de Pedro Sanchez en Espagne, sont insuffisantes et incohérentes : elles consistent toutes en des formes plus ou moins ambitieuses d’encadrement des loyers, qui valident le niveau délirant qu’ils ont atteint au nom du respect du marché, et surtout qui sont souvent contrecarrés par les multipropriétaires qui retirent leur bien du marché. C’est ce qu’il s’est passé à Barcelone qui a connu une baisse des offres de location après l’application de l’encadrement des loyers.
Une grève des loyers, c’est lorsqu’un groupe de locataires se réunit et refuse de payer son loyer en masse jusqu’à ce qu’une liste de revendications soit satisfaite par le propriétaire.
C’est aussi ce qu’il se produit depuis plusieurs mois en France : pour ne pas avoir à rénover leurs passoires thermiques – un phénomène dont l’ampleur représente une catastrophe écologique et social – comme la loi les y contraignait à partir de cette année, les multipropriétaires ont retiré leurs biens du marché, ce qui a conduit à augmenter la crise du logement et fournit une excuse toute trouvée au Sénat pour revenir sur la loi : ce texte « vise à éviter d’obliger des propriétaires-bailleurs de bonne foi à enlever leurs biens d’un parc locatif déjà très contraint », a expliqué en préambule la rapporteure de la proposition de loi soutenue par le gouvernement et qui devrait largement revenir sur l’obligation de rénovation.
Comment sortir de ce chantage ? Comment échapper au pouvoir des multipropriétaires sur notre vie quotidienne et politique ?
Eh bien en appliquant nous aussi, comme eux le font, un chantage économique – autrement appelé rapport de force. Les Espagnols révoltés y pensent et le disaient durant leurs manifestations de samedi : “Si cela continue, on fera la grève des loyers”.
Des grèves des loyers ont déjà mené à des victoires retentissantes : c’est le cas en Ecosse, à Glasgow, en 1915. Une grève menée par un groupe de femmes a poussé le gouvernement à fermement encadrer les loyers tout au long de la guerre. A New York en 1907, une grève menée par des familles ouvrières a mené à une baisse des loyers pour 2000 familles. Dans cette même ville, d’autres grèves des loyers ont eu lieu dans les années 30 puis en 2020. En 2024, les habitants de plusieurs barres d’immeubles à Toronto ont entamé une grève des loyers, à ce jour toujours active.
Une grève des loyers, c’est lorsqu’un groupe de locataires se réunit et refuse de payer son loyer en masse jusqu’à ce qu’une liste de revendications soit satisfaite par le propriétaire. C’est évidemment une pratique risquée puisque l’expulsion peut venir sanctionner l’action. Mais en France, on ne peut pas expulser quelqu’un comme ça, et on ne le peut carrément pas toute une partie de l’année, la fameuse “trêve hivernale”.
Des grèves des loyers ont déjà mené à des victoires retentissantes : c’est le cas en Ecosse, à Glasgow, en 1915. Une grève menée par un groupe de femmes a poussé le gouvernement à fermement encadrer les loyers tout au long de la guerre. A New York en 1907, une grève menée par des familles ouvrières a mené à une baisse des loyers pour 2000 familles. Dans cette même ville, d’autres grèves des loyers ont eu lieu dans les années 30 puis en 2020. En 2024, les habitants de plusieurs barres d’immeubles à Toronto ont entamé une grève des loyers, à ce jour toujours active.
Pour en finir durablement avec l’époque du logement cher et des sans-abris, il ne faut viser rien de moins que la socialisation du parc locatif, c’est-à-dire une location gérée par la population elle-même, sans visée spéculative et financière, avec la mise au point de critères rationnelles dans l’attribution de logement : où je vis, où je travaille, de quoi j’ai besoin.
“L’encadrement des loyers”, mesure phare des programmes de la gauche, ne suffira pas à freiner l’appétit sans limites des multipropriétaires. Il nous faut parvenir à en finir avec l’existence même du marché de la propriété lucrative du logement : pour en finir durablement avec l’époque du logement cher et des sans-abris, il ne faut viser rien de moins que la socialisation du parc locatif, c’est-à-dire une location gérée par la population elle-même, sans visée spéculative et financière, avec la mise au point de critères rationnels dans l’attribution de logement : où je vis, où je travaille, de quoi j’ai besoin. Si l’imaginaire des multipropriétaires, fait de leur victimisation et de la naturalisation de leur règne, ne s’était pas aussi insidieusement imposé en nous tous, nous disposerions depuis longtemps d’un tel système.
