Macron prépare à nouveau la guerre à nos retraites

La guerre, la guerre, la guerre. À en croire le pouvoir macroniste, s’y préparer serait l’urgence du moment. Déjà en 2022, quand l’offensive russe en Ukraine a commencé, à écouter les médias dominants, on aurait cru que des T-72 étaient sur le périph’. « Nous sommes en guerre », martelait-on sur tous les plateaux. Deux ans plus tard, l’Ukraine est en lambeaux, le soutien américain est stoppé et Zelensky, envoyé au charbon par les puissances européennes, se retrouve humilié. Il n’en fallait pas plus pour que Macron embraye : il faut aujourd’hui une « économie de guerre ». Comprendre : l’austérité sur tout le reste. Pendant que les industries de l’armement se frottent les mains et que Dassault prépare ses carnets de commandes, on nous intime de serrer la ceinture « pour la patrie ». Alors à quoi va-t-on devoir renoncer cette fois ? L’actualité nous donne un indice : pendant que tout le monde regarde Macron jouer aux faucons, une énième réforme des retraites se prépare en coulisses.
Vous vous rappelez du minable « compromis » du PS pour justifier son refus de censurer le budget de Bayrou ? Après avoir claironné sur tous les plateaux qu’ils exigeraient la suspension de la réforme des retraites, le temps de renégocier, en échange de leur non-censure du budget 2025, les socialistes avaient finalement fait ce qu’ils font de mieux : plier devant le gouvernement. La macronie leur avait offert un joli hochet sous la forme d’un « conclave » piloté par François Bayrou. Résultat ? Pas de suspension de la réforme et un PS qui s’aligne gentiment et ne vote quand même pas la censure. Au lieu d’un gel réel, le Premier ministre a offert une concertation de trois mois, où tout serait mis « sur la table » – comprendre : un grand débat pour gagner du temps, pendant que la réforme continue tranquillement de s’appliquer.
En ce moment même, loin des regards, se tiennent ainsi des négociations entre l’exécutif, les syndicats et le patronat (« délégations paritaires permanentes », dans le langage bureaucratique du pouvoir) pour détricoter encore un peu plus notre système de retraites. Fin février, la veille de la première réunion de « négociation », Bayrou a dévoilé l’arnaque : il a invité, dans une lettre, les négociateurs à « rétablir l’équilibre financier du système de retraites à un horizon proche avec un objectif à l’année 2030 ». Le syndicat Force ouvrière a du coup quitté la table des négociations dès cette première réunion.
Le Medef à la manœuvre
En vue de ces discussions, Bayrou a orchestré une stratégie de communication en deux étapes : d’abord, en janvier, il a brandi le chiffre alarmiste de 55 milliards d’euros de déficit des retraites à horizon 2030, prétendument lié à un « trou caché » dans les comptes du système. Ensuite, dans la foulée, il a commandé une « mission flash » de la Cour des comptes, dont l’objectif implicite était de légitimer de nouvelles mesures d’austérité. Mais la Cour des comptes a beau être servile, elle doit quand même donner l’apparence d’un minimum de sérieux. Son rapport ne suit ainsi pas les élucubrations du Premier ministre. Il n’y a aucun déficit caché. Selon elle, le déficit atteindrait ainsi 6,6 milliards d’euros en 2025 avant de se stabiliser jusqu’en 2030 à environ 15 milliards d’euros. « L’histoire du déficit caché est écartée, passons aux choses sérieuses », s’est empressé d’affirmer Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, ayant trop hâte de parapher les propositions du Medef.
Le Medef souhaite la mise en place d’une TVA « sociale », c’est-à-dire une hausse des prix pour nous tous pour éviter de faire payer les entreprises.
Dans ce bal des faux-culs, c’est comme d’habitude le Medef qui mène la danse, en la personne de Diane Deperrois, qui travaille pour l’assureur Axa. On comprend mieux pourquoi elle défend dans les négociations la mise en place d’un système de retraite par capitalisation, puisque ce type de produits est vendu par Axa justement. La vie est bien faite pour les capitalistes. Officiellement, le Medef se dit pessimiste sur l’issue des discussions en cours, histoire de préparer le terrain à ses exigences. Patrick Martin, son président, ne s’en cache pas. Pour lui, maintenir l’âge légal de départ à 64 ans est un minimum, et il faudrait même le pousser un peu plus loin. Et puisque ça ne suffira pas à son appétit, il souhaite la mise en place d’une TVA « sociale », c’est-à-dire une hausse des prix pour nous tous pour éviter de faire payer les entreprises. Il exige également la poursuite des réformes sur l’assurance chômage et la sécurité sociale.
Détruire nos retraites pour financer la guerre
La deuxième réunion du conclave s’est déroulée jeudi 6 mars. Sans surprise, la guerre est le prétexte idéal aux futures régressions. « Il faudra sans doute travailler plus et c’est ça qui va faire l’objet d’un débat national », a affirmé le ministre de l’Economie. « On a un contexte qui va peser sur nos discussions », a quant à lui indiqué Yvan Ricordeau, le numéro deux de la CFDT, sans doute très heureux de trouver là le prétexte idéal à ses futures trahisons. « Travailler plus pour l’Ukraine », titrent carrément Les Échos une chronique signée par l’ancien directeur du cabinet de Muriel Pénicaud. « Nous dépensons aujourd’hui sept à huit fois plus pour les retraites que pour la défense », regrette-t-il, avant d’insister : « Rallonger toujours plus les retraites ne doit plus être notre priorité. Notre priorité, c’est la liberté : celle des Ukrainiens aujourd’hui, c’est-à-dire celle des autres Européens et des Français demain ».
« La dette, ça sert à financer les investissements, des canons ou des centrales nucléaires, pas le Doliprane de ma mère »
Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI France
Les libéraux sont complètement en roue libre, saisissant le prétexte de l’enfer vécu par les Ukrainiens pour ravager notre modèle social. Le directeur général de BPI France (La banque d’investissements de la France) Nicolas Dufourcq en tient par exemple une sacré couche. « La dette, ça sert à financer les investissements, des canons ou des centrales nucléaires, pas le Doliprane de ma mère », s’est-il excité sur France Culture, avant de carrément sombrer dans le délire : « L’espérance de vie est montée quasiment jusqu’à 90 ans pour pas mal de catégories de la population française. » C’est la nouvelle mode inspirée de Trump : raconter absolument n’importe quoi, sans égard pour les faits. Pourtant, ces derniers sont têtus : en 2024, l’espérance de vie à la naissance a atteint 80,1 ans pour les hommes et 85,7 ans pour les femmes. Et l’espérance de vie sans incapacité des femmes, qui correspond au nombre d’années qu’une personne peut espérer vivre sans être limitée par un problème de santé dans les activités de la vie quotidienne, a diminué de 4 mois depuis 2008.
Autrement dit, nous devrions travailler jusqu’à crever pour financer la guerre. Peu importe si les corps lâchent, si les esprits s’épuisent, si les jeunes peinent à entrer sur le marché du travail. L’important, c’est de maximiser la durée d’exploitation de la force de travail, coûte que coûte. Si les négociations sur les retraites échouent dans les trois mois, François Bayrou agite l’idée d’un référendum. Un scénario hautement improbable : le pouvoir évite soigneusement de consulter le peuple depuis que les classes laborieuses ont fait dérailler son agenda en 2005. Mais si, par miracle, cette consultation avait lieu, la machine à propagande tournerait à plein régime. Les éléments de langage militaristes sont déjà en place. Il faut continuer collectivement à les démonter un à un.
