Génocide à Gaza : le PS a soutenu Israël

Défendre ouvertement le génocide à Gaza est devenu extrêmement compliqué pour nos politiciens : l’accumulation d’images, de vidéos, d’articles, de rapports d’ONG et d’experts, de témoignages, de déclarations des bourreaux eux-mêmes, ont battu en brèche les mensonges complaisamment relayés depuis des mois et qui venaient tordre, minimiser, détourner de l’abominable réalité. Il s’agit donc, pour ceux qui ont soutenu avec ferveur le massacre des Palestiniens en surfant sur l’émotion post-7 octobre, comme pour ceux qui l’ont fait plus insidieusement en criminalisant toutes celles et ceux qui alertaient, de se dédire, de nuancer, de nier leurs propos d’hier, de se racheter une conscience en reprenant les mots de ceux qu’ils conspuaient la veille. Ils le font à leur manière, par de purs signalement de vertu inconséquents – c’est-à-dire en prenant soin de ne pas aller jusqu’à demander des actions réelles, concrètes, matérielles, les seules capables d’enrayer et d’arrêter la mécanique génocidaire – mais qui leur permettent toutefois de sauver la face, inquiets qu’ils sont des jugements qui seront portés sur eux dans les décennies à venir, de savoir leurs noms marqués par la trace indélébile du soutien actif ou tacite à l’extermination d’un peuple.
Le Parti socialiste fait partie de ces résistants de la 25e heure. Ses cadres s’évertuent à réécrire l’histoire en faisant croire à une action résolue de la part du parti contre Israël depuis octobre 2023, là où en réalité des tas de déclarations et d’actes d’éminents cadres PS nous démontrent tout le contraire. C’est à cette comédie grotesque à laquelle s’est par exemple livrée Chloé Ridel, députée européenne PS, auprès du média Backseat, déclarant entre deux invectives habituelles contre la France insoumise : “personne à la direction du Parti socialiste n’a été ambigu vis-à-vis du gouvernement israélien.”
Regardons de plus près quelles ont été les positions et actions du Parti socialiste depuis le déclenchement du massacre.
De nombreux soutiens affichés à Israël et un mépris pour les victimes palestiniennes
Le 10 octobre 2023, les députés socialistes applaudissaient le discours de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (d’ailleurs ancienne militante PS) promettant “le soutien inconditionnel” à Israël. Le même jour, la candidate PS à la dernière présidentielle et maire de Paris, Anne Hidalgo, s’était empressée d’illuminer la Tour Eiffel aux couleurs d’Israël. Ce ne sera jamais fait pour les Palestiniens malgré un nombre de victimes civiles absolument incomparable.

Lors du débat sur une résolution datant du 19 octobre 2023, Raphaël Glucksmann, député européen et tête de liste PS aux Européennes, votait contre les amendements condamnant les exactions d’Israël à Gaza. Comme le montrait Guillaume Etievant, à partir d’une analyse des votes, il s’était prononcé notamment contre « la reconnaissance des actes de guerre israéliens et du nombre de victimes palestiniennes », et contre « la reconnaissance, selon les mots du secrétaire national de l’ONU, du fait que les violences ne sont pas survenues dans le vide mais sont le fruit d’un conflit et d’une occupation de longue date sans perspectives d’issue politique ». Quelques jours plus tard, il publiait une tribune dans Le Monde dans laquelle il ne proposait aucune sanction contre Israël qui bombardait indistinctement les civils palestiniens depuis deux semaines, ne disait pas un mot des milliers de détenus palestiniens, et proposait au contraire “d’actionner tous les leviers à notre disposition pour affaiblir” le Hamas, la “libération de tous les otages”, “la démilitarisation de la bande de Gaza”, c’est-à-dire peu ou prou la rhétorique qui justifiait l’action ultra meurtrière du gouvernement israélien.
En février 2024, il fût brièvement question de rendre hommage aux Français tués par Israël à Gaza. Les cadres du PS s’étaient alors précipités sur les plateaux télés pour dire qu’il serait indécent de laisser penser qu’Israël tuant des Français serait aussi grave que le Hamas tuant des Français. François Hollande avait ainsi affirmé : “Ça ne peut pas être le même hommage. Une vie est une vie et une vie est équivalente à une autre. Mais il y a les victimes du terrorisme et les victimes de guerre. » Le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud était allé dans le même sens déclarant que l’hommage aux personnes tuées par Israël ne pouvait pas “être le même hommage que pour des victimes du terrorisme, les victimes ne sont pas de même nature ». On se demande bien à quelle nature différente appartiendrait exactement les victimes d’Israël, mais on comprend bien que selon ce ponte du PS il s’agit d’une “nature” qui mérite moins d’égards, moins d’hommage, moins de compassion.
Pendant ce temps sur I24News, chaîne de propagande israélienne, le président du groupe PS au Sénat Patrick Kanner se félicitait du fait que les socialistes n’aient pas signé une résolution demandant l’émission d’un mandat d’arrêt contre Benjamin Netanyahu, et qu’il fallait rappeler “qu’il n’y a jamais eu d’Etat de Palestine”.
“Ça ne peut pas être le même hommage. Une vie est une vie et une vie est équivalente à une autre. Mais il y a les victimes du terrorisme et les victimes de guerre. »
François Hollande, ancien président de la République et député PS, en février 2024, à propos des Français tués par Israël à Gaza
En mars 2024, Aurore Lalucq, 4e sur la liste PS aux Européennes, refusait de condamner la propagande pro-israélienne de la chaîne i24news et s’opposait à son interdiction.
En avril 2024, de nombreux élus socialistes appelaient dans une tribune à “rester fidèles à leur histoire” c’est-à-dire à « soutenir Israël », « la seule démocratie de la région », à « ne pas l’isoler », à « refuser l’embargo”.
Alors qu’Israël avait déjà tué près de 35 000 Palestiniens, cette tribune affirmait : “Comme nous soutenons l’Ukraine, soutenons Israël”, “comment Israël pourrait-il se défendre sans armes ?”
Parmi ces signataires socialistes on trouvait notamment le vice-président de Nantes métropole Pascal Bolo, le maire de Montpellier Michaël Delafosse, le 1er adjoint à la Mairie de Paris Emmanuel Grégoire et le maire de Sarcelles Patrick Haddad.
Le même mois, le député PS Jérôme Guedj lançait une polémique sur un logo “Palestine libre” s’inquiétant de ce que cela signifiait pour “l’avenir d’Israël”.
En avril 2024, de nombreux élus socialistes appelaient dans une tribune à “rester fidèles à leur histoire” c’est-à-dire à “soutenir Israël”, “la seule démocratie de la région”, à “ne pas l’isoler”, à “refuser l’embargo”.
Alors que le massacre des Palestiniens durait depuis des mois, en janvier 2024, Raphaël Glucksmann, tête de liste PS aux Européennes et député européen, votait contre le fait que les crimes de guerre d’Israël puissent constituer des “actes de génocide”, contre le soutien à la procédure entamée par l’Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice, et contre les mesures conservatoires de celle-ci. En mars 2024, il n’hésitait pas à affirmer qu’il ne s’agissait pas d’un génocide, une manière pour lui de se distinguer de LFI et du PCF sur le dos des Palestiniens. Il ajoutait pour se justifier, après avoir rappelé qu’il avait “refusé de voter les amendements où il y avait le mot génocide” : “J’ai un emploi extrêmement précautionneux du terme génocide”, alors qu’il n’avait pas eu de mal à l’utiliser concernant les Ouïghours. Le mois suivant il s’opposait à l’arrêt des livraisons d’armes à Israël.
En mai 2024, comme le rappelait Simon Rötig, Nicolas Mayer-Rossignol, maire PS de Rouen et premier secrétaire délégué du PS (donc bien à la direction dont parle Chloé Ridel) se déclarait auprès de Radio J “gêné” du fait que Biden aurait mis “sur le même plan le Hamas et Israël” (ce qui n’est jamais arrivé mais passons) et qu’il ne souhaitait pas “commenter la procédure” de la Cour pénale internationale qui venait de délivrer des mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens.
De leur côté, le député PS Jérôme Guedj et la présidente de la région Occitanie Carole Delga louaient le discours de Sophia Aram qui parlait d’un “brouhaha d’indignations faciles” à propos des dizaines de milliers de morts à Gaza.
Le député PS Jérôme Guedj et la présidente de la région Occitanie Carole Delga louaient le discours de Sophia Aram qui parlait d’un “brouhaha d’indignations faciles” à propos des dizaines de milliers de morts à Gaza.
En mai 2025 était publié sur le site du Parti socialiste (avant d’être retiré) un texte intitulé “Naissance du Cercle socialiste des ami·e·s d’Israël”. En dépit de tout ce que l’on sait sur l’apartheid israélien, largement documenté, il se demandait : “Comment ne pas être sioniste quand Israël est le seul pays du Moyen-Orient où l’égalité des citoyens, quelle que soit leur religion ou leur origine, est garantie par la loi, qu’ils soient juifs ou non, femmes ou hommes ?” Il affirmait que “soutenir Israël nous semblait une évidence pour tout socialiste (…) Le soutien à Israël ne devrait pas être un sujet partisan. (…) Un Parti socialiste qui ne soutient pas clairement Israël se trahit et perd toute chance de remporter une élection.” (surprenant de la part d’un parti qui a affirmé sans cesse que le soutien à la Palestine ne pouvait être qu’ “électoraliste”). Puis le texte versait dans le négationnisme pur et simple : “Nous, les Amis d’Israël, connaissons les mesures absolument uniques qu’Israël met en place pour limiter les pertes civiles et alléger la souffrance des populations. Israël utilise des bombes ultra-précises capables de frapper un seul étage, émet des avertissements avant certaines attaques et permet aux civils d’évacuer les zones de combat. Ces trois exemples, parmi tant d’autres, vont bien au-delà des exigences du droit international.”
Diaboliser et criminaliser le soutien à la Palestine
De nombreux cadres du Parti socialiste ont également participé à criminaliser toute personne exprimant sa préoccupation pour Gaza ou défendant des positions anticolonialistes. Ils ont contribué, aux côtés du pouvoir et de l’extrême droite, à les couvrir de toutes les accusations infâmes mais habituelles : d’apologistes du terrorisme, d’antisémites, de soutiens du Hamas, etc.
De nombreux cadres du Parti socialiste ont également participé à criminaliser toute personne exprimant sa préoccupation pour Gaza ou défendant des positions anticolonialistes.
Cela a commencé immédiatement après l’attaque du 7 octobre 2023, où le Parti socialiste d’Olivier Faure y a vu une opportunité pour corneriser son rival, La France insoumise, en participant au maccarthysme ambiant contre toute personne qui tentait de refuser la binarité “terroristes palestiniens” vs. “formidable démocratie israélienne”, une binarité dont ces gens étaient trop intelligents pour ne pas mesurer l’étendue de la stupidité surtout lorsque l’on parle d’une situation coloniale qui dure depuis des décennies. Ce fut donc ce prétexte qui fut pris par Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, pour acter de la rupture au sein de la Nupes : la France insoumise préférait parler de “crimes de guerre” que d’ “attaques terroristes”. C’est bien sûr cette première qualification qui fut retenue lorsque le procureur de la Cour pénale internationale demanda des mandats d’arrêts contre les dirigeants du Hamas, mais pourquoi se priver d’une occasion de faire passer LFI pour des “soutiens d’actes terroristes” ?
Pourtant, la condamnation par la France Insoumise des attaques de civils israéliens avait été extrêmement claire dès le début. Le jour même (alors que les informations sur l’attaque d’un kibboutz et d’un festival de musique n’étaient pas encore connues) le communiqué de la France insoumise indiquait ceci : “Nous déplorons les morts israéliens et palestiniens. Nos pensées vont à toutes les victimes.”. Limpide. Ce qui était reproché en réalité au communiqué était de déplorer également les morts palestiniens (pourtant numériquement plus nombreux dès le 8 octobre au soir). Si LFI préférait le terme “crimes de guerre” c’était simplement pour éviter d’épouser la rhétorique du PS sur ce qui allait se passer : dissimuler un génocide colonial sous les oripeaux d’une énième “guerre contre le terrorisme”.
C’est Carole Delga, présidente de la région Occitanie et figure majeure au PS, qui exigeait “d’interdire toutes les manifestations pro-palestiniennes en France”. Rien de surprenant puisque déjà en 2014, le gouvernement PS interdisait les manifestations pour la Palestine à tout-va pour invisibiliser, cette fois-là aussi, les massacres à Gaza.
Cette criminalisation ne s’est pas limitée à la France insoumise. Le génocide à Gaza a déclenché un mouvement étudiant d’ampleur dans le monde entier, rappelant ce qu’on avait pu voir lors de l’agression américaine contre le Vietnam. Le PS s’y est évidemment opposé : Raphaël Glucksmann, tête de liste PS aux Européennes, demandant l’évacuation des étudiants de Sciences Po mobilisés pour Gaza. Précédemment, c’est Carole Delga, présidente de la région Occitanie et figure majeure au PS, qui exigeait “d’interdire toutes les manifestations pro-palestiniennes en France”. Rien de surprenant puisque déjà en 2014, le gouvernement PS interdisait les manifestations pour la Palestine à tout-va pour invisibiliser, cette fois-là aussi, les massacres à Gaza.
En mai 2024, François Kalfon, conseiller régional PS, présent sur la liste PS aux Européennes, demandait sur CNews, la chaîne d’extrême droite du milliardaire Vincent Bolloré, le licenciement de l’humoriste Guillaume Meurice car celui-ci avait fait une blague sur Benjamin Netanyahu.
« Le sionisme, c’est un idéal d’émancipation, un ancrage durable, un barrage à la haine. »
Tribune de mars 2025 appelant à interdire la critique d’Israël, signée par François Hollande, Anne Hidalgo maire PS de Paris, Laurence Rossignol sénatrice PS
En mars 2025, de nombreux socialistes de premier plan signaient une tribune initiée par un collectif pro-israélien pour interdire la critique d’Israël en l’assimilant à de l’antisémitisme. La tribune affirmait que “le sionisme, c’est un idéal d’émancipation, un ancrage durable, un barrage à la haine”. On trouvait dans les signataires Anne Hidalgo, la maire PS de Paris, François Hollande, ancien président de la République et député PS, et la sénatrice PS Laurence Rossignol. Mais également Bernard Cazeneuve et Manuel Valls, qui furent tous deux premiers ministres de gouvernements PS.
Les gens que nous avons cités – l’ancien président de la République François Hollande, la dernière candidate PS à l’élection présidentielle et maire de la capitale Anne Hidalgo, la dernière tête de liste PS aux Européennes Raphaël Glucksmann (et probable futur candidat en 2027), le président du groupe PS à l’Assemblée nationale Boris Vallaud, le maire de Rouen et Premier secrétaire délégué du PS Nicolas Mayer-Rossignol, le président du groupe PS au Sénat Patrick Kanner – ne sont pas des petits noms obscurs du PS, ils en sont des piliers historiques, très puissants et influents. Jamais le PS n’a dépassé, dans le meilleur des cas, le stade des appels creux au cessez-le-feu alors qu’il s’agirait de défendre des sanctions massives contre Israël. Jamais il n’a pris la moindre sanction contre tous ces élus PS qui défendent ouvertement le génocide ou criminalisent ceux qui s’y opposent.
Derrière les volte-face, les silences gênés et les condamnations tardives, le Parti socialiste porte une responsabilité politique majeure. Il a préféré l’opportunisme électoral à l’humanité. L’histoire jugera. Mais dès maintenant, il appartient à toutes celles et ceux qui refusent la banalisation du génocide de s’en souvenir.
Photo de montillon.a
Rob Grams
Rédacteur en chef adjoint
