Marine Tondelier, la candidate du macronisme vert

Marine Tondelier à la fête de l’Huma en 2023. Crédit : Par Selbymay — Travail personnel, CC BY 4.0
Vous ne le savez sans doute pas mais Marine Tondelier est désormais candidate à la présidentielle, nous risquons donc d’en entendre davantage parler. Apparatchik du parti Les Ecologistes, un parti libéral “progressiste” et macron-compatible, elle est, comme beaucoup des personnalités favorites de la bourgeoisie de gauche qui émergent par cycles réguliers (Taubira, Hamon, Glucksmann…) difficile à critiquer sur ses idées puisqu’elle n’en porte aucune de réellement forte et lisible. Ce n’est pas un hasard car ce qui plaît à cette frange de l’électorat est avant tout ce qu’elle incarne : la continuité du même, de l’ordre établi, du macronisme sous un autre nom, mais avec la bonne conscience de gauche en prime. Comme toujours, les médias ont contribué aussi à faire connaître cette figure, Le Monde parlant, en dépit de la réalité de piteux résultats électoraux, d’une personnalité “qui séduit à gauche” et Libération d’une “révélation” : globalement, pour ceux-là, tout ce qui n’est pas Mélenchon est bon à prendre. Tentons quand même de voir de qui nous parlons au-delà du folklore un peu « cringos » autour de sa veste verte (“un objet politique” selon Le Monde).
Un parcours de politicienne bourgeoise de gauche classique, avec des scores électoraux piteux
Sur le plan sociologique : pas de surprise. Si Marine Tondelier a grandi dans une région ouvrière (le Pas-de-Calais) elle provient, elle, de la bourgeoisie classique de province : père médecin, mère dentiste, grands-parents pharmaciens, etc. Pour ses études, elle fait Sciences Po Lille, hésite à devenir directrice d’hôpital mais préfère se lancer dans la politique.
Elle a toutefois le courage de commencer sa carrière dans son territoire d’origine – plutôt que de chercher le parachutage -, c’est-à-dire dans une région de plus en plus gagnée à l’extrême droite. Néanmoins ses tentatives ne seront pas couronnées de succès, loin de là. En juin 2012, elle se présente à la députation dans la même circonscription de Marine Le Pen et obtient le score de… 1,63%. Marine Le Pen perdra finalement l’élection d’extrême justesse face à un socialiste.
Elle fera mieux aux élections suivantes mais toujours avec des scores assez dérisoires : 6,5% aux élections départementales de 2015, puis 3,5% aux législatives de 2017 où cette fois Marine Le Pen l’emportera au deuxième tour. Comme toutes les apparatchiks elle est en campagne permanente, cherchant n’importe quel poste d’élue – n’oublions pas qu’avant 2017 la gauche gagnait encore parfois dans le coin, et que même faire des scores nuls peut permettre d’avoir des mandats « d’opposition ».
Porte-parole de Jadot en 2022 : porte parole de l’écologie bourgeoise
Se présenter sans cesse à toutes les élections lui a donc permis d’obtenir différents postes : conseillère municipale d’opposition, conseillère régionale d’opposition… Mais c’est surtout sa nomination en 2021 en tant que porte-parole de la piteuse campagne de Yannick Jadot pour la présidentielle de 2022, qui incarne à l’époque la ligne la plus droitière du parti, qui donne à Marine Tondelier une véritable visibilité à l’échelle nationale.

Vous avez sans doute oublié qui était Yannick Jadot, et c’est parfaitement normal car la mémoire a généralement du mal à imprimer les personnages fades, inintéressants et interchangeables, mais nous sommes là pour vous le rappeler. Au-delà de faire partie de ceux qui avaient réactivé la polémique raciste sur le burkini, Jadot était surtout un eurobéat libéral au service du greenwashing : “L’économie de marché ? Tout le monde est pour l’économie de marché ! Vous voulez que les paysans bio vendent dans les sovkhozes ? Vous voulez l’économie de Maduro ?” s’écriait-il en juillet 2019 avec sa finesse habituelle de macroniste bas de gamme. À propos des Gilets jaunes, l’un des mouvements sociaux les plus importants de la décennie, son seul commentaire avait été de beugler comme un professeur pas content “ça suffit ! les manifestations en centre-ville le week-end ça suffit !”, s’inquiétant, comme toujours chez les bourgeois, bien davantage des “dégradations pour les petits commerces” que des pieds arrachés, des yeux crevés et de nos morts. Il allait même vanter comme débouché à cette quasi-insurrection populaire… “le Grand Débat”, ce nom donné à cette entreprise de propagande macroniste. Il y avait toutefois des manifestations que Jadot appréciait, comme la manif d’extrême droite des policiers de mai 2021, où il s’était rendu, aux côtés du RN, d’Eric Zemmour et de Gérald Darmanin. Il aimait aussi beaucoup les patrons et “les entreprises” : “Les entreprises doivent être nos alliés !” avait-il déclaré au Medef dans une tentative de séduction aussi obscène que grotesque, ce qui est problématique car une politique écologique sérieuse aurait tout pour contrarier les capitalistes.
Voilà donc le candidat que soutenait activement Marine Tondelier en 2022 et qui fit 4,6%, un score ne permettant même pas de rembourser les comptes de campagne mais suffisant pour empêcher l’accession de Mélenchon au second tour, et donc pour appeler à voter Macron sous les hurlements de joie et les applaudissements nourris de ses militantes et militants.
La critique du capitalisme ? « Se branler la nouille »
Alors on pourrait se dire que son soutien à Jadot n’était qu’opportuniste et que sa ligne politique est différente. Mais un passage dans une émission du journal communiste l’Humanité, où la journaliste Lumi constatait d’ailleurs à raison que l’on entend quasiment jamais Marine Tondelier parler de “fond”, “des idées” de “politique”, mais presqu’uniquement de “stratégie” et de “communication”, a eu le mérite d’apporter certaines clarifications. C’est une difficulté auquel le ou la journaliste s’intéressant au programme de Marine Tondelier est tout de suite confronté : comme Taubira en son temps, celle-ci ne parle presque jamais de mesures concrètes et se contente de pirouettes et de d’anecdotes permanentes.
Alors que le philosophe et sociologue Michael Löwy rappelait fort justement dans son dernier ouvrage Étincelles écosocialistes (2024, Editions Amsterdam) qu’il est impossible “d’imaginer une solution véritable, c’est-à-dire radicale, au problème de la crise écologique, sans changer de fond en comble, le mode actuel de production et de consommation” (autrement dit : sans envisager la sortie du capitalisme), Marine Tondelier nous démontrait qu’elle n’avait jamais considérée cette question. Interrogée sur sa vision de l’écologie, la lutte des classes et la sortie du capitalisme, celle-ci avait sobrement répondu qu’elle aimerait que nous arrêtions de “nous branler la nouille”, trouvant qu’il s’agit de “débats déconnectés” et demandant dans un aveu assez sidérant : “En fait, c’est quoi le capitalisme ?” À la fin de l’émission, nous n’avions rien appris sur son idéologie, sa vision de l’écologie ou son projet. Elle n’aura fait qu’égrener des “bons mots” (la cuistrerie et le capacité à phraser dans le vent semblant être un facteur déterminant pour le vote de la bourgeoisie de gauche), mais sur un ton beaucoup plus agressif et exaspéré que sur les plateaux des éditorialistes de droite où elle est habituellement comme un poisson dans l’eau. Mais une chose était claire (et en aucun cas surprenante) : Marine Tondelier ne compte pas affronter la question du capitalisme, autrement dit : elle ne compte rien faire réellement pour l’écologie.
Une “unioniste”, vraiment ? Une artisane de la fin de la Nupes
Marine Tondelier a la réputation, finalement assez usurpée, d’être “unioniste”, de vouloir “rassembler la gauche”. Sans aucune surprise là non plus, la mobilisation de cette notion par les politiciennes et les politiciens est toujours fonction du nombre de strapontins à négocier. Pour avoir des élus aux législatives de 2022 après le score groupusculaire de Jadot, il y avait plutôt intérêt à être “unioniste” et à se rabibocher en moins de deux avec la France insoumise après une campagne présidentielle qui n’avait consisté qu’à lui nuire. Mais dès qu’il s’est agit d’une élection où les écologistes font habituellement des bons scores – c’est-à-dire les européennes, une élection où les CSP+ fans de l’Union européenne (ça existe oui, oui) adorent aller voter pendant que les classes populaires s’abstiennent – l’union a évidemment disparu.
De fait, Marine Tondelier a été l’une des artisanes de la fin de la Nupes. Non pas qu’il s’agisse de lui reprocher – la Nupes a été précisément une catastrophe stratégique de la France insoumise car elle a fait ressusciter les satellites du macronisme que sont le Parti socialiste et les Écologistes – mais c’est un fait trop souvent oublié. C’est bien elle qui a refusé l’alliance avec la France insoumise aux européennes 2024 : “non, c’est non, stop aux forceurs” avait-elle dit, utilisant, probablement volontairement, une analogie par ailleurs extrêmement déplacée. Très présente dans la campagne – bien que la liste Europe Écologie fût menée par Marie Toussaint – les résultats ne furent pas là avec un score particulièrement mauvais de 5,5%.

À peine quelques semaines plus tard, elle rechangeait bien sûr d’avis pour les législatives anticipées de 2024 et refaisait le sketch de “l’union” cette fois autour du Nouveau front populaire : pour conserver des députés écologistes, il fallait de nouveau s’allier avec les Insoumis.
Désormais Marine Tondelier se déclare candidate à la présidentielle. L’union de la gauche est une fable à laquelle personne ne croit vraiment, et qui n’a dans l’absolu rien de souhaitable, ni sur le plan idéologique ni sur le plan stratégique. Mais si on la prend au sérieux, sa logique même est de soumettre les petits partis de gauche au parti de gauche dominant pour donner une chance à ce dernier, dont on suppose qu’il souffre de la dispersion des voix induites par une multiplicité de micro-candidatures. Toute autre suggestion est une vaste blague : proposer à un candidat à 22% de se ranger derrière des candidats et candidates à 4,5% ou 1,8% n’a aucun sens autre que celui de faire semblant d’avoir cherché cette union impossible. D’une manière générale, tous ces candidats et candidates qui parlent d’union font juste le vœux vain et mégalomaniaque que tous les autres candidats se retirent pour se ranger derrière elles et eux – ce qui n’a donc rien d’une union réelle.
Une députée écologiste citée par L’Opinion dénonçait d’ailleurs l’hypocrisie et le double langage de Marine Tondelier en la matière : “On ne peut pas faire une liste indépendante aux européennes, et être ensuite l’héroïne de l’union de la gauche et des écologistes ; pousser Yannick Jadot aux municipales à Paris, qui ne veut pas de LFI, et pousser un candidat LFI à Montpellier contre le maire PS sortant.”
Marine Tondelier, énième candidate Macron-compatible
En politique la mémoire est importante car si les Écologistes recyclent vraiment quelque chose, ce sont les bureaucrates macronistes. Il est toujours utile de le rappeler : les Écologistes sont le parti qui a accouché parmi ce qui s’est fait de pire en Macronie : Daniel Cohn-Bendit, Nicolas Hulot, François De Rugy, Jean-Vincent Placé… et il serait bien naïf de n’y voir qu’un hasard. Avec sa composition de petits notables libéraux cherchant un marché politique, les divergences avec Renaissance (libéral, fanatiquement pro-européen…) ne sont que des nuances qui expliquent la grande porosité entre les deux formations politiques.

Marine Tondelier n’a pas cessé de donner des gages à la macronie depuis trois ans. En décembre 2022, elle nommait Augustin Augier, proche de François Bayrou et fils du maire de Deauville, comme “délégué général” d’Europe Écologie Les Verts. Comme n’importe qui aurait pu le prédire, il a fini par rejoindre de nouveau la macronie, nommé en juin 2025 par Bayrou et Macron comme “secrétaire général à la planification écologique”, un organisme interministériel créé par Elisabeth Borne et sous l’autorité du Premier ministre.
En juin 2024, Marine Tondelier annonçait que ses candidats se retireraient en cas de triangulaire au second tour pour laisser la place au candidat macroniste le mieux placé face au RN, même s’il s’agissait de Gérald Darmanin.

Après des résultats surprises qui ont donné une majorité relative au Nouveau front populaire, du fait de l’effet barrage et de la division de la droite (macronistes, LR, RN…), Marine Tondelier a participé activement à la comédie sur le casting d’un Premier ministre NFP pendant que Macron rigolait probablement à pleines dents. Fût ainsi avancée comme idée, avant Lucie Castets, Laurence Tubiana, qui proposait ni plus ni moins de renoncer au programme du NFP et de gouverner avec les macronistes. Cela fut refusé par d’autres composantes du NFP, dont la France insoumise. Marine Tondelier avait alors réagi en dépolitisant le sujet, ne voyant dans les critiques à l’égard du choix de Laurence Tubiana que du sexisme contre “les femmes engagées”.
Derrière cette diversion, une vraie vision : celle d’une grande coalition, c’est-à-dire de la constitution d’une majorité avec les macronistes et une partie de la droite. Interrogée sur ce sujet, elle déclarait en juillet 2024 : “La politique dans ce pays ne pourra pas continuer comme avant. On va devoir changer.” Mais qu’est-ce qui aurait changé dans une coalition macronisée ? La lacrymo aurait été écolo ? Les grenades de désencerclement recyclables ? Tondelier est le symptôme d’un macronisme complexé, constipé, qui gangrène la gauche depuis Hollande. La même qui considérait impossible de s’allier avec la France insoumise pour les élections européennes semblait prête à le faire en une semaine avec Gabriel Attal.

Plus récemment, en pleine période d’ébullition sociale post-10 septembre, Marine Tondelier a participé, comme les autres partis de gauche (PS et PCF), à cette opération de manipulation très répétitive consistant à faire croire que des inflexions et des compromis seraient possibles avec le macronisme et Lecornu, contribuant ainsi à la démobilisation générale et ajoutant le ridicule au déshonneur.
Des « réflexes d’apparatchiks » et un « parti sous cloche »
La France insoumise est souvent épinglée pour ses problèmes de démocratie interne, et, à vrai dire, une partie des critiques en ce domaine semble justifiée. Toutefois la différence de traitement d’avec les autres partis est saisissante : le Parti socialiste étant, par exemple, suspecté de fraudes et d’irrégularités à quasiment chaque congrès.
Mais on pourrait également parler des Écologistes et de la direction de Marine Tondelier. Avant le congrès des Écologistes, en avril 2025, Karima Delli, ancienne eurodéputée, Harmonie Lecerf, élue bordelaise, et Florentin Letissier, maire-adjoint à Paris, avaient tous trois déploré “un manque d’équité et de pluralisme” dans les modalités de participation au congrès. Les règles électorales avaient en effet été modifiées, ce qui faisait dire à Karima Delli que ces nouvelles conditions “semblent avoir été taillées sur mesure pour consolider l’emprise” de Marine Tondelier. Florentin Letissier allait dans le même sens : “Les conditions de tenue du congrès constituent une profonde trahison de l’ADN de notre parti par la direction en place.”
Eric Piolle, maire écologiste de Grenoble, avait lui déclaré avoir été “banni” du courant de Tondelier et déplorait « cette façon d’éjecter ceux qui porteraient des nuances sur la stratégie ».

Mais c’est sûrement Sandrine Rousseau, l’une des figures majeures du parti et de son “aile gauche”, qui est allée le plus loin – et publiquement – dans la fronde contre la direction de Marine Tondelier, parlant dans les médias le mois dernier d’une “concentration des pouvoirs”, d’une “personnification”, d’une “absence de contre-pouvoir” et de “réflexes apparatchiks”. Cette vive réaction était liée à la décision du parti d’organiser un processus de désignation d’un candidat écolo (pour une éventuelle primaire) avant la fin 2025 : “C’est un processus de verrouillage. (…) C’est plus qu’une parodie de démocratie interne, c’est une mise sous cloche des Écologistes (…) Et puis, quelle urgence y a-t-il à faire cela maintenant ? Nous sommes peut-être à la veille d’une dissolution, à quelques mois des municipales.”
Suite à l’annonce de la candidature, Sandrine Rousseau est remontée au créneau : “Je trouve que ce calendrier est le pire qui puisse être” ajoutant, d’ailleurs à raison, que “ce moment devrait être celui d’une mobilisation générale, pas d’une bataille à contretemps”.
Une candidate d’une très grande faiblesse sur l’islamophobie, la Palestine et les violences policières
En plein génocide à Gaza, Marine Tondelier avait fait démonstration de son enthousiasme pour la candidature démocrate de Kamala Harris (qui remplaçait in extremis Joe Biden atteint de sénilité avancée), et pourtant comptable du bilan désastreux qui a conduit les États Unis a soutenir massivement le massacre des Palestiniens par dizaines des milliers : “Go Kamala Harris !” tweetait-elle alors en l’identifiant, comme si cette celle-ci avait besoin de ses encouragements, encouragements qui ne l’ont visiblement pas empêchée de perdre face à Donald Trump, accélérant la fascisation du pays.
Plus récemment, le 10 octobre 2025, Marine Tondelier déclarait sur RTL qu’une “procédure de déportation” était engagée contre Mélissa Camara, députée européenne écologiste kidnappée par Israël pour avoir tenté d’apporter de l’aide humanitaire à Gaza. Engueulée par le Crif, qui a immédiatement parlé de “faute historique et morale”, et plus généralement par tous les pro-Israéliens de plateaux TV, celle-ci s’est immédiatement confondue en excuses. Si on peut par ailleurs trouver le mot maladroit, elle montrait toutefois par sa réaction son incompréhension totale des dynamiques en cours : personne, absolument personne, n’a réellement pensé, ne serait-ce qu’une seule seconde, que Marine Tondelier aurait à escient utilisé ici le mot déportation comme une provocation antisémite et une référence aux camps de concentration nazis, et pas même ceux qui l’ont accusée de manière délirante. Elle fait ainsi comme s’il y avait encore la moindre bonne foi dans l’instrumentalisation absolument constante de la lutte contre l’antisémitisme de la part des soutiens inconditionnels du génocide.
Cette tendance à faire le paillasson n’est pas nouvelle. Avec l’attitude du paternalisme colonial habituel de la bourgeoisie blanche de gauche, elle avait indiqué qu’elle “serait extrêmement attentive à ce que Médine dira le 24 août et à ce qu’il dira tous les jours qui suivront”. Le rappeur avait en effet gentiment accepté d’aller perdre son temps aux inintéressantes universités d’été du parti en 2023, avant d’être pris, comme maintenant Tondelier elle-même, dans une énième polémique débile tentant de faire passer pour antisémite un jeu de mot sur Rachel Khan, fervent soutien du génocide à Gaza. Plutôt que de le soutenir face à une campagne clairement islamophobe, Tondelier, pliant systématiquement à chaque injonction de la classe bourgeoise et médiatique, avait préféré contribuer à le jeter sous le bus et à parler de lui comme d’un enfant turbulent à surveiller. La honte.

Il faut dire que l’islamophobie, pourtant centrale dans le processus de fascisation en cours, n’a pas l’air d’être un sujet qui passionne Marine Tondelier. En plein génocide à Gaza, lors d’un rassemblement pour la Palestine, quelques manifestants de confession musulmane avaient scandé “Allah akbar”, qui signifie simplement “Allah est le plus grand” en arabe, manière pour eux de rendre hommage aux dizaines de milliers d’innocents massacrés par l’armée israélienne. Ignorant visiblement qu’ “Allah akbar” n’est pas le cri de ralliement de quelques terroristes islamistes cinglés mais une formule utilisée quotidiennement par des centaines de millions de Musulmans dans le monde, notamment dans les prières, elle avait alors déclaré sur France Info, comme aurait pu le faire un chroniqueur de Pascal Praud, que cela était “complètement débile et choquant dans le contexte”, ajoutant : “Je rêve d’un monde où je pourrais aller manifester pour le peuple palestinien, pour le peuple israélien et pour la paix sans risquer d’être amalgamée à des gens qui crient “Allah akbar” place de la République” – mettant par ailleurs en équivalence le fait d’aller “manifester pour le peuple palestinien” colonisé et génocidé, et manifester pour Israël. Elle était piteusement revenue sur ses propos quelques heures plus tard.
Sur le sujet de l’autoritarisme macroniste et du niveau de violences policières tout bonnement délirant auquel on a assisté ces dernières années à l’encontre des populations arabes et noires, des manifestants et des Gilets jaunes, Marine Tondelier a fait le choix de la bouffonnerie humiliante, au point d’en devenir un mème. Alors qu’on ne compte plus les éborgnés, les mutilés, les personnes arrêtées arbitrairement ou tuées par la police depuis le début des deux quinquennats Macron, la nouvelle candidate à la présidentielle avait décidé de participer en mai 2023 à une action intitulée… “des coquelicots, pas des lacrymos”. Donnant lieu à une photo à la forte charge symbolique où nous la voyions agenouillée, sourire jusqu’aux oreilles, déposant des gerbes de fleurs devant… un CRS. Cela se passe de commentaire.

Marine Tondelier incarne la continuité du hollandisme, c’est-à-dire une gauche d’accompagnement, gestionnaire et institutionnelle, un macronisme repeint en vert qui s’effraie dès qu’il s’agit de nommer les rapports de classe, de désigner le capitalisme, ou de se confronter réellement à la violence de l’ordre établi. Derrière son vernis “écolo” et son discours policé, se rejoue sans cesse la même comédie : une politique d’ajustement cosmétique qui n’a par ailleurs aucune chance de l’emporter – en témoignent les scores systématiquement nuls à absolument toutes les élections auxquelles Marine Tondelier a participé. Elle parle parfois d’union quand elle cherche à sauver quelques sièges, mais peut l’abandonner le jour suivant selon l’intérêt de sa boutique électorale ; elle prétend parler d’écologie mais sans affronter la question du capital ; elle parle de démocratie mais est accusée par ses propres militants de verrouiller son parti. Bref une énième notable libérale et égotique, sans idée ni stratégie, persuadée comme toujours d’incarner le “bon goût” de la gauche.
Rob Grams
Rédacteur en chef adjoint
