Comment Israël a détruit tous les hopitaux de Gaza

Le jeudi 19 juin 2025, l’Iran, en réaction à la guerre lancée contre lui par Israël, a procédé à des frappes contre des installations militaires israéliennes. Lors d’une de ces frappes contre une base militaire et de renseignement israélienne située en pleine ville, l’onde de choc de l’explosion a touché un hôpital adjacent. La frappe n’a tué ni blessé gravement personne dans l’hôpital. Quelques blessés légers ont été recensés. Le Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu, sous mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, s’est rendu devant l’hôpital pour déclarer « Nous touchons avec précision des cibles militaires identifiées, et eux frappent des hôpitaux ». Sauf que voilà, en réalité Benjamin Netanyahu et son armée ont détruit, volontairement, l’entièreté du système hospitalier de Gaza.
En mai 2025, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait recensé non pas une, mais 697 attaques d’Israël contre des hôpitaux de Gaza depuis octobre 2023 et notait qu’ “au moins 94 % de tous les hôpitaux de la bande de Gaza sont endommagés ou détruits.”
“Au moins 94 % de tous les hôpitaux de la bande de Gaza sont endommagés ou détruits.”
Organisation Mondiale de la Santé, mai 2025
Les Israéliens ne se sont pas contentés de bombarder les hôpitaux. L’ONG Human Right Watch a également documenté les crimes de guerre auxquels les soldats de l’armée d’occupation israélienne se sont livrés en envahissant les hôpitaux. Elle notait que “les forces israéliennes ont privé les patients d’électricité, d’eau, de nourriture et de médicaments ; tiré sur des civils ; maltraité des personnels de santé ; et détruit délibérément des installations médicales et des équipements.”
Voici un triste récapitulatif des principales attaques contre des hôpitaux par Israël depuis octobre 2023
Octobre 2023- Avril 2025 : bombardements contre l’hôpital Al-Ahli, le seul qui desservait encore la population du Nord de Gaza
C’est cet hôpital qu’Israël avait bombardé dès octobre 2023, faisant des dizaines de morts et créant à l’époque un tollé international. Israël (bien qu’il ait donné des “ordres d’évacuation”), et les complotistes pro-israéliens expliquaient en boucle qu’il s’agissait en fait d’un tir du Hamas raté, et que jamais Israël ne frapperait un hôpital, ce qui avait ensuite été démenti, ou à minima contesté, par plusieurs enquêtes indépendantes. Plusieurs centaines de frappes israéliennes indiscriminées plus tard, le discours a changé : Israël a par la suite assumé ses bombardements d’hôpitaux expliquant qu’il s’agissait de viser le Hamas.
En décembre 2023, les troupes israéliennes ont attaqué l’hôpital, tué 4 personnes à l’intérieur, blessé des dizaines d’autres et ligoté et bandé les yeux des médecins pendant plusieurs heures.
À la mi-avril 2025, Israël a de nouveau bombardé l’hôpital Al-Ahli. La porte-parole de l’OMS, le Dr Margaret Harris, a déclaré que l’hôpital était désormais hors service.
Octobre 2023 – Mai 2025 : bombardements de l’hôpital qatari, spécialisé dans les prothèses
L’hôpital de Sheikh Hamad bin Khalifa Al Thani, financé par le Qatar, avait été le premier hôpital prothétique à ouvrir à Gaza. Dès le 16 octobre 2023, celui-ci avait subi de graves dommages suite à des bombardements.
Le ministère des Affaires étrangères du Qatar a dénoncé « dans les termes les plus énergiques, le bombardement par l’occupation israélienne de l’hôpital Hamad pour la réhabilitation et les prothèses dans la bande de Gaza ».
En mai 2025, Israël a de nouveau bombardé cet hôpital. Le ministère des Affaires étrangères du Qatar a dénoncé « dans les termes les plus énergiques, le bombardement par l’occupation israélienne de l’hôpital Hamad pour la réhabilitation et les prothèses dans la bande de Gaza ».
Novembre 2023 : Assaut dans l’Hôpital Indonésien de Gaza
Le 13 novembre 2023, 20 des 36 hôpitaux de Gaza n’étaient déjà plus opérationnels selon l’agence onusienne chargée de la coordination humanitaire (Ocha).
Le 20 novembre 2023, l’armée israélienne a lancé un assaut contre l’Hôpital Indonésien de Gaza, ouvert en 2016 par une ONG indonésienne.
Le 20 novembre 2023, l’armée israélienne a lancé un assaut contre l’Hôpital Indonésien de Gaza, ouvert en 2016 par une ONG indonésienne. Le lendemain, le directeur de l’hôpital dénombrait 65 cadavres de Palestiniens sur le site. La ministre des affaires étrangères indonésienne avait dénoncé “une violation flagrante du droit international humanitaire”.
En décembre 2024, l’armée israélienne a lancé un second assaut.
Novembre 2023 : bombardement de l’hôpital pour enfants Al-Nasr
En novembre 2023, l’UNICEF s’inquiétait des bombardements visant et endommageant les hôpitaux pour enfants de Gaza, notamment celui d’Al-Nasr.
Novembre 2023 – Octobre 2024 : bombardements de l’hôpital Al-Awda, le plus grand centre d’accouchement de la région
En novembre 2023, Israël avait bombardé cet hôpital. La frappe avait notamment tué trois médecins de l’ONG Médecins Sans Frontière (MSF) dans ce qui était déjà l’un des derniers hôpitaux fonctionnels du nord de Gaza. D’autres membres du personnel médical, y compris le personnel de MSF, avaient également été grièvement blessés
En décembre 2023, un soldat israélien avait abattu une femme enceinte qui sortait de l’hopital, un autre avait lui tué une infirmière de l’hopital.
En octobre 2024 les frappes contre l’hôpital ont repris, blessant des patients et des médecins.
Novembre 2023 – Mars 2024 : destruction de l’hôpital Al-Shifa, plus grand complexe hospitalier de Gaza
“L’armée israélienne n’a laissé derrière elle que ruines, cendres et cadavres.” C’est ainsi que débutait l’article du Monde sur le sujet en mars 2024. Il était le seul hôpital de Gaza a avoir survécu aux 15 guerres lancées par Israël contre Gaza depuis 1948. 300 cadavres palestiniens ont été retrouvés dans l’établissement et autour. Le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, avait déclaré que 21 patients étaient morts durant le siège de l’hôpital. De son côté Herzi Halevi, le chef d’état-major de l’armée israélienne, avait déclaré au sein même de l’hôpital qu’ « il y a un message très important ici : un hôpital n’est pas une zone sûre. »
« Il y a un message très important ici : un hôpital n’est pas une zone sûre. »
Herzi Halevi, le chef d’état-major de l’armée israélienne, en mars 2024
L’hôpital avait auparavant été régulièrement attaqué par Israël. En novembre 2023, une frappe avait tué 11 Palestiniens. Une infirmière de l’hôpital racontait à Médecins Sans Frontières (MSF) son effroi à la vue des cadavres de femmes et d’enfants, tandis qu’Israël n’avait pas été en mesure d’apporter le moindre élément tangible accréditant l’idée que l’hôpital aurait été “un centre de commandement du Hamas”.
Décembre 2023 : attaque israélienne contre la clinique Al Basma, le plus grand centre de fertilité de Gaza
En décembre 2023, Israël a frappé une clinique de fécondation in vitro, détruisant 4 000 embryons humains. Cette attaque a fait partie des éléments en faveur de la qualification de génocide, empêcher les naissances en étant une des caractéristiques importantes et l’attaque ayant été délibérée comme cela a été confirmé par l’ONU.
Décembre 2023 – mai 2025 : attaques contre le complexe hospitalier Nasser
En décembre 2023, les troupes israéliennes ont pris d’assaut cet hôpital. Suite à cela, Richard Peeperkorn, représentant de l’OMS pour Gaza, déclarait qu’il n’était plus fonctionnel et que beaucoup des membres du personnel de santé avaient été arrêtés.
En mars 2025, l’armée israélienne a bombardé l’hôpital tuant cinq personnes. Un dirigeant du Hamas, qui était la cible, s’y trouvait pour des soins car celui-ci était gravement blessé.
En mai 2025, Israël a assassiné le journaliste Hassan Aslih en bombardant avec un drone le service des urgences de l’hôpital. Le journaliste y était soigné à la suite de blessures issues d’une précédente attaque. Hassan Aslih avait travaillé pendant des années avec des agences de presse internationales et faisait partie des journalistes palestiniens les plus connus.
Janvier 2024 : attaques israéliennes contre l’hôpital de campagne jordanien de Gaza
L’armée jordanienne a déclaré en janvier 2024 que les forces israéliennes avaient délibérément ciblé son nouvel hôpital de campagne à Gaza, bloquant l’entrée du complexe avec un char et tirant sur l’hôpital où se trouvait le personnel soignant. La Jordanie avait précisé “cette action n’était pas la conséquence d’un affrontement” avec le Hamas et que cela s’inscrivait dans “l’approche cohérente d’Israel pour cibler les hôpitaux de Gaza (…)” La Jordanie avait aussi déclaré qu’il s’agissait du quatrième ciblage délibéré de ses hôpitaux de campagne à Gaza depuis le début du conflit.
Janvier-février 2024 : attaques israéliennes contre l’hôpital Al-Amal à Khan Younis
The Guardian relevait qu’en janvier 2024, des snipers encerclaient l’hôpital et abattaient les Palestiniens déplacés qui tentaient d’en sortir.
L’hôpital a ainsi été assiégé pendant plusieurs semaines. Le 2 février 2024, le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, avait déclaré être horrifié par le meurtre de civils à Gaza au sein de l’hopital. Le 27 février, l’ONU expliquait que les forces israéliennes avaient bloqué un convoi d’évacuation qui devait transporter 24 patients, et forcé le personnel paramédical à se mettre nu.
Février 2024 : bombardement de l’hôpital européen
En février 2024, l’armée israélienne lançait six bombes contre l’hôpital européen tuant 28 Palestiniens et en blessant des dizaines d’autres. Un journaliste indépendant travaillant pour la BBC faisait partie des blessés.
Mars 2024 : bombardement contre l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa
En mars 2024, Israël a lancé une frappe contre les tentes qui étaient disposées devant l’hôpital, tuant 4 personnes dont une femme. Un journaliste de l’Associated Press avait filmé les gens se précipitant pour tenter d’éteindre le feu, sauver les blessés et de récupérer les cadavres.
Juillet 2024 : frappe israélienne contre un hôpital de campagne aménagé dans une école
En juillet 2024, une frappe aérienne israélienne contre une école abritant un hôpital de campagne dans le centre de Gaza a tué au moins 30 personnes et en a blessé plus de 100.
Décembre 2024 : destruction par Israël de l’hôpital Kamal Adwan, principal centre de traitement de la malnutrition
Israël ne se contente pas de réduire les gazaouis à la famine, il détruit également les centres de traitement de la malnutrition. C’est ce qu’il a fait en prenant d’assaut et en incendiant l’hôpital Kamal Adwan lors d’un raid en décembre 2024. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait fait part de sa “consternation” face à la mise hors service du “dernier établissement majeur de santé dans le nord de Gaza”. Elle rappelait que “les hôpitaux et le personnel de santé ont fait l’objet d’attaques presque quotidiennes” lors des deux mois auparavant et l’assassinat par Israël de 5 membres du personnel soignant de cet hopital. L’OMS avait recensé au moins 50 attaques contre les services de santé au sein de l’hôpital ou à côté de ce dernier.
Israël ne se contente pas de réduire les gazaouis à la famine, il détruit également les centres de traitement de la malnutrition. C’est ce qu’il a fait en prenant d’assaut et en incendiant l’hôpital Kamal Adwan lors d’un raid en décembre 2024.
Le directeur de l’hôpital a lui été arrêté et enlevé par l’armée coloniale. Dans une vidéo qui a marqué, les patients, les familles et le personnel avaient été conduits en sous -vêtements les mains en l’air par l’armée israélienne vers un lieu inconnu.
Comme toujours Israël avait justifié ses crimes de guerre en disant qu’il s’agissait de “centres de commandement du Hamas” mais Radio France notait que “l’armée israélienne n’a jamais fourni la preuve de ces accusations, les vidéos qui montrent quelques armes de poing ne sont guère concluantes. Gaza reste toujours fermé à la presse, empêchant toute confirmation indépendante.”
Mars 2025 : Israël détruit l’hôpital de l’Amitié Turco-palestinienne, le seul à traiter les cancers
En octobre 2023, Israël avait bombardé cet hôpital, le seul à traiter les patients palestiniens atteints de cancer. Le Croissant Rouge turque avait fermement condamné l’attaque. Le ministre des Affaires étrangères turc avait dénoncé une violation manifeste du droit international.
En mars 2025, l’armée israélienne a poursuivi son œuvre en faisant exploser ce qu’il restait du bâtiment.
Ce que dit le droit international humanitaire
Selon les Conventions de Genève, les établissements médicaux — hôpitaux, cliniques, ambulances — bénéficient d’une protection spéciale en temps de guerre. L’article 18 stipule que « Les hôpitaux civils organisés pour donner des soins aux blessés, aux malades, aux infirmes et aux femmes en couches ne pourront, en aucune circonstance, être l’objet d’attaques »
Selon le Protocole additionnel I (1977), les attaques indiscriminées, disproportionnées, ou visant délibérément des infrastructures civiles essentielles, comme les hôpitaux, constituent des crimes de guerre. Priver des blessés ou malades de soins, ou empêcher leur évacuation, est également interdit. Dans le cas de Gaza, de nombreux éléments — attaques répétées, absence de preuves pour justifier les attaques, usage de la famine comme arme de guerre — démontrent que les forces israéliennes ont violé ces principes de manière systématique.
« Les hôpitaux civils organisés pour donner des soins aux blessés, aux malades, aux infirmes et aux femmes en couches ne pourront, en aucune circonstance, être l’objet d’attaques »
Article 18 de la Convention de Genève
La frappe iranienne ayant endommagé un hôpital en juin 2025 n’a fait ni morts ni blessés graves. Elle a pourtant immédiatement servi de levier à Benjamin Netanyahu pour condamner l’Iran et tenter de redorer l’image d’une armée israélienne soi-disant « précise » et « éthique ». Ce discours ne tient pas une seule seconde à la lumière des faits. Car depuis octobre 2023, Israël a mené une campagne systématique et documentée de destruction du système de santé à Gaza : près de 700 attaques contre des hôpitaux, des assauts armés, des exécutions de soignants, des bombardements répétés d’établissements médicaux, y compris ceux spécialisés dans la pédiatrie, la fertilité ou le traitement du cancer. Cette stratégie, qui vise autant à terroriser la population qu’à détruire les dernières infrastructures vitales, ne relève pas du “dommage collatéral” mais bien d’une volonté assumée d’annihiler toute forme de vie à Gaza. L’indignation feinte de Netanyahu masque difficilement une réalité qui, elle, est accablante, documentée, et porte un nom : génocide.
Rob Grams
Rédacteur en chef adjoint
