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Alors que depuis 19 mois, les militants pro-palestiniens en France ont été traités de tous les noms, traînés dans la boue, assimilés sans cesse à des antisémites, réprimés judiciairement et policièrement, leurs luttes paient enfin en partie, puisque ceux-là même qui les incriminaient en permanence tiennent désormais peu ou prou les discours de ceux qui dénonçaient l’action israélienne dès le 7 ou le 8 octobre 2023. Ainsi, Macron a largement haussé le ton contre Israël et ne peut plus affirmer qu’il n’y a pas de génocide, même la gauche mollassonne et bourgeoise (PS, PCF, Ecologistes) emploie le terme, les artistes prennent de plus en plus la parole, et même des pro-israéliens fanatisés qui passaient leur temps à faire la chasse aux pro-palestiniens (Delphine Horvilleur, Joann Sfar…) trouvent que le carnage va un petit peu trop loin. Parmi ces nouveaux soutiens certains sont purement opportunistes – un positionnement électoral pour le congrès du PS, s’inquiéter du fait que le génocide pourrait finir par isoler Israël sur le plan international et nuire sur le long-terme à la légitimité du projet sioniste… D’autres sont sincères et tardifs, mais mieux vaux tard que jamais. 

Toutefois, des indignations de circonstance n’aideront pas les Palestiniens. Israël, qui ne subit aucune sanction, se fiche royalement des opinions publiques européennes. Une des solutions des gouvernements occidentaux pour donner l’impression d’agir en ne faisant rien ou pas grand chose est “la reconnaissance de l’Etat de Palestine”. Si cette reconnaissance est évidemment souhaitable, elle est aussi essentiellement symbolique et peut se faire à peu de frais (quand bien même elle susciterait les protestations du gouvernement israélien). 

On ne s’en rend pas toujours compte, mais la France et l’Union Européenne disposent de leviers de contraintes non négligeables.

Il faut donc exiger bien plus car, et l’on ne s’en rend pas toujours compte, la France et l’Union européenne disposent de leviers de contraintes non négligeables. Sans aller jusqu’à l’intervention militaire, la France et l’Union européenne pourraient déjà mettre en place un système de sanctions similaires à ce que l’on a pu voir à l’encontre de la Russie suite à son agression contre l’Ukraine, ou dans le passé contre l’Afrique du Sud en raison de sa politique d’apartheid. Les Français sont d’ailleurs ultra majoritaires (74%) à souhaiter la mise en place de sanctions contre Israël. On l’a vu avec la Russie : les sanctions, bien qu’elles aient eu un fort effet sur l’économie russe, n’ont pas permis ni d’empêcher ni d’arrêter la guerre. La France seule ne peut pas arrêter le génocide – bien qu’Israël soit très dépendant du soutien du camp occidental – mais beaucoup de mesures seraient déjà un pas décisif et permettraient de sauver beaucoup de vies palestiniennes. 

Voilà concrètement ce que l’on pourrait être en droit d’attendre d’une action résolue pour contraindre Israël.

Gel des avoirs et interdiction de voyage 

Le gel des avoirs est une mesure juridique et financière qui consiste à interdire l’accès ou l’utilisation des fonds et ressources économiques d’une personne, d’un groupe ou d’une entreprise. Concrètement, la personne ou l’entité ne peut plus retirer d’argent, faire de virements, vendre ses biens, ou accéder à ses comptes bancaires, et ses avoirs (argent en banque, actions, biens immobiliers ou mobiliers, etc.) deviennent inaccessibles.
Une fois la décision prise, les banques et institutions financières sont légalement tenues de bloquer les avoirs des personnes concernées et de signaler toute tentative de mouvement de fonds.

Le gel des avoirs est une mesure juridique et financière qui consiste à interdire l’accès ou l’utilisation des fonds et ressources économiques d’une personne, d’un groupe ou d’une entreprise.

Il s’agirait donc ici de geler les avoirs du Premier ministre Benjamin Netanyahu, de ses ministres, de ses généraux, des chefs du Shin Bet et du Mossad (les services de renseignement israéliens), de même que pour les personnalités médiatiques et économiques soutenant les opérations militaires ou la colonisation. 

Ce gel des avoirs pourrait s’accompagner de restrictions de visas (décision qui peut être prise par un arrêté ministériel, un décret ou une décision européenne) : ces personnes ne pourraient pas obtenir de visa pour entrer en France ou dans l’Union européenne en général, et les visas en cours seraient annulés. Les éventuels permis de séjour et titres de résidence seraient retirés. Ces personnes ne pourraient plus non plus transiter par les aéroports ou ports de France. Il s’agirait d’une sanction diplomatique majeure avec un impact direct sur les entreprises israéliennes et des réactions en chaîne sur les marchés financiers israéliens. Elle pourrait pousser d’autres Etats à envisager des sanctions similaires. Les entreprises françaises et européennes seraient incitées à réévaluer leurs relations avec Israël. 

Ce gel des avoirs pourrait s’accompagner de restrictions de visas : ces personnes ne pourraient pas obtenir de visa pour entrer en France ou dans l’Union européenne en général, et les visas en cours seraient annulés.

Les avoirs de la Banque d’Israël pourraient eux aussi être gelés. La Banque d’Israël possède des réserves en devises étrangères (dollars, euros, etc.) déposées dans des banques étrangères pour gérer la stabilité monétaire, intervenir sur les marchés financiers et garantir la confiance dans sa monnaie .Si ces avoirs étaient gelés, la Banque d’Israël ne pourrait plus accéder à ces fonds, les transférer ou les utiliser. Cela l’empêcherait d’intervenir normalement sur les marchés des changes ou d’utiliser ces réserves pour stabiliser sa monnaie ou payer des dettes à l’international. Cela pourrait déstabiliser la monnaie locale (le shekel) et affecter la confiance des marchés financiers dans l’économie israélienne. La France pourrait appliquer cette mesure unilatéralement, mais il faudrait surtout qu’elle pousse pour qu’il s’agisse d’une décision collective de l’UE. 

Pousser pour exclure les banques israéliennes du système SWIFT

Dans le cadre des sanctions contre la Russie, plusieurs banques russes ont été exclues de SWIFT, ce qui a fortement limité leur capacité à faire du commerce international et à transférer des fonds. En effet, SWIFT est la plateforme principale utilisée par les banques dans le monde pour envoyer et recevoir des informations sur les paiements internationaux.

Lors des sanctions contre la Russie, plusieurs banques russes ont été exclues de SWIFT, ce qui a fortement limité leur capacité à faire du commerce international et à transférer des fonds.

Exclure les banques israéliennes (Bank Leumi, Hapoalim…) du système SWIFT signifie concrètement qu’il serait impossible pour ces banques d’envoyer ou recevoir des instructions de paiement internationales via SWIFT. Par exemple, si un client de Bank Leumi en Israël voudrait payer un fournisseur en France, la transaction ne pourrait pas passer par le système SWIFT. Les opérations transfrontalières (transferts d’argent, paiements, règlements) deviendraient extrêmement difficiles, lentes, voire impossibles.

Les conséquences économiques et financières pour Israël seraient extrêmement lourdes. Il y aurait un blocage des flux financiers internationaux des banques israéliennes. Les entreprises et particuliers utilisant ces banques auraient beaucoup de mal à faire des affaires à l’international (importations, exportations, investissements). Les partenaires commerciaux seraient incités à éviter de traiter avec ces banques car les paiements seraient très compliqués. Les déposants pourraient paniquer et retirer massivement leurs fonds, craignant une paralysie financière. D’une manière générale, la confiance dans le système bancaire israélien pourrait s’effondrer, risquant une crise bancaire majeure.

Exclure les banques israéliennes (Bank Leumi, Hapoalim…) du système SWIFT signifie concrètement qu’il serait impossible pour ces banques d’envoyer ou recevoir des instructions de paiement internationales via SWIFT.

SWIFT est une organisation internationale basée en Belgique qui gère le réseau mondial de messagerie interbancaire. La France seule ne peut donc pas exclure une banque du système SWIFT. Elle peut toutefois proposer et soutenir cette sanction dans le cadre de l’Union européenne. 

Interdire le financement de la dette israélienne et les investissements européens dans des projets publics ou d’infrastructures

Pour avoir un impact significatif, il faudrait que ces décisions soient européennes. 

Il serait interdit pour des acteurs européens (banques, fonds d’investissement, entreprises, États, etc.) de financer la dette publique israélienne, c’est-à-dire d’acheter des obligations d’État israéliennes (les titres de dette émis par Israël pour financer ses dépenses publiques). Cela empêcherait Israël de lever de l’argent sur les marchés financiers européens pour financer son budget, ses projets et ses opérations.

L’Europe est un acteur majeur des marchés financiers mondiaux et Israël y emprunte régulièrement.

Il serait également interdit pour les investisseurs européens de placer de l’argent dans des grands projets financés par le gouvernement israélien (routes, énergie, bâtiments publics, transports, etc.), ce qui limiterait les sources de financement extérieures pour ces projets.

Cette décision prise unilatéralement par la France aurait un impact économique faible mais serait symboliquement fort et pourrait inciter d’autres pays à faire de même. À l’échelle de l’Union européenne, en revanche, cela aurait un impact significatif car l’Europe est un acteur majeur des marchés financiers mondiaux et Israël y emprunte régulièrement. 

Boycotter les produits et services israéliens

La France pourrait bloquer les exportations et importations, en particulier les composants sensibles (microprocesseurs, semi-conducteurs, capteurs), les logiciels militaires et de cybersécurité, les drones à usage civil et militaire, les produits israéliens issus des colonies (agriculture, artisanat, produits manufacturés), les diamants bruts et taillés, les technologies de surveillance, les fruits, les produits pharmaceutiques

La France pourrait bloquer les exportations et importations.

Le marché français est important et certaines entreprises israéliennes perdraient un débouché. À l’échelle européenne, cette décision aurait davantage d’impact : Israël aurait des difficultés à se fournir en technologies essentielles pour son armée ou son industrie, ce qui pourrait ralentir ou compliquer certaines des opérations de massacre. L’économie des colonies serait touchée et certains secteurs agricoles et industriels seraient ralentis. 

À l’échelle individuelle, il est déjà possible de boycotter les produits israéliens. Des listes sont disponibles, comme ici. 

Suspendre i24News

i24News est une chaîne de propagande pro-israélienne émettant en France. La France pourrait donc, via l’Aarcom et les autorités françaises de régulation audiovisuelle, interdire sa diffusion afin de limiter la propagation des incessantes fakes news du gouvernement et de l’armée israélienne. 

i24News est une chaîne de propagande pro-israélienne émettant en France.

Cela avait été fait contre la Russie avec la chaîne RT France.

Fermer les sites de propagande et les comptes de propagande sur les réseaux sociaux

Via des autorités comme l’Arcom (régulateur des médias et de l’audiovisuel) ou la Cnil (protection des données), la France pourrait exercer une pression réglementaire sur les réseaux sociaux pour qu’ils suppriment les contenus et comptes diffusant de la désinformation pro-israélienne sur Gaza.

La France pourrait exercer une pression réglementaire sur les réseaux sociaux pour qu’ils suppriment les contenus et comptes diffusant de la désinformation pro-israélienne sur Gaza.

La France pourrait aussi utiliser la législation existante (ex : loi Avia, loi contre la haine en ligne) pour obliger les plateformes à retirer rapidement certains contenus sous peine de sanctions, en l’occurrence les apologies de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre contre les Gazaouis ainsi que les propos appelant au génocide ou le soutenant. 

On pourrait bloquer les sites web, les blogs, les plateformes en ligne faisant la promotion, la justification et la glorification du génocide à Gaza et des colonies israéliennes. Cela inclurait les sites officiels gouvernementaux israéliens, les plateformes immobilières qui vendent et louent dans ces zones, les médias et influenceurs faisant de la propagande pro-israélienne. Pour cela, les fournisseurs d’accès à Internet comme Orange, Free, SFR, Bouygues seraient obligés de rendre ces sites inaccessibles depuis la France (via DNS, IP blocking, filtrage). 

Faire pression sur les Etats commerçant avec Israël 

La France pourrait faire pression diplomatiquement et économiquement notamment sur les Émirats arabes unis, l’Inde et les États-Unis. Pour ce faire, elle pourrait utiliser ses canaux diplomatiques (déclarations publiques, démarches auprès des ambassades, discussions bilatérales…) et plaider dans les différentes instances internationales (ONU, Union européenne, G7…) pour une réduction des échanges commerciaux avec Israël. 

La France pourrait faire pression diplomatiquement et économiquement notamment sur les Émirats Arabes unis, l’Inde et les États-Unis. 

Cela pourrait s’accompagner de sanctions contre des entreprises (Amazon, Microsoft, etc.) qui entretiennent des liens technologiques avec Israël.

Interdire le financement d’entités publiques israéliennes (instituts, médias d’État, etc.)

La France pourrait empêcher tout financement direct ou indirect aux organismes officiels dépendant de l’État d’Israël (instituts de recherche publics, agences gouvernementales, médias publics…) qu’il s’agisse de subventions, prêts, aides ou investissements publics français.

Embargo sur le gaz israélien

Si cette mesure était prise uniquement par la France elle aurait un impact commercial relativement limité, mais appliquée collectivement au sein de l’UE, elle deviendrait plus contraignante. 

Il s’agirait donc d’interdire d’acheter ou d’importer du gaz naturel provenant d’Israël.

Il s’agirait donc d’interdire d’acheter ou d’importer du gaz naturel provenant d’Israël. Tous les contrats d’achat de gaz israélien seraient annulés ou suspendus. Douanes, régulateurs et agences de l’énergie vérifieraient la provenance du gaz pour éviter les contournements.

Rappeler les ambassadeurs, suspendre les accords bilatéraux et les collaborations

La France pourrait retirer son ambassadeur en Israël et d’autres diplomates importants, ce qui est une pratique courante pour formuler une forte protestation. 

La France pourrait appeler à une suspension de l’Accord d’Association UE-Israël.

La France pourrait appeler à une suspension de l’Accord d’Association UE-Israël, c’est-à-dire suspendre les tarifs douaniers préférentiels, interrompre les programmes de coopération (recherche, culture, environnement) et geler les négociations ou partenariats en cours. Elle pourrait aussi pousser pour exclure Israël du programme de recherche Horizon Europe et d’Erasmus+. Il s’agirait de refuser d’accorder des financements et la collaboration avec des entités israéliennes, d’empêcher la mobilité des étudiants et chercheurs israéliens vers la France et d’interdire la participation française dans des projets bilatéraux impliquant des partenaires israéliens.
Concrètement les universités, centres de recherche et entreprises israéliennes perdraient l’accès aux financements européens, ce qui pourrait avoir un impact sur l’innovation israélienne. Les jeunes israéliens perdraient des possibilités de mobilité académique et Israël serait isolé dans les sphères académiques et scientifiques françaises et européennes.

La France devrait aussi suspendre toute coopération en matière de défense et de renseignement avec Israël, c’est-à-dire : 

Accroître considérablement l’aide humanitaire et mettre en place des ponts aériens et maritimes

Depuis 2022, la France a aidé l’Ukraine à hauteur de 15,7 milliards d’euros. Cela inclut une aide militaire d’environ 3,4 milliards d’euros cumulés, ce qui comprend des canons Caesar, des missiles, des munitions, des blindés, des formations, ce qui fait de notre pays le 15e contributeur mondial en aide militaire à l’Ukraine. L’aide financière a été de plusieurs milliards d’euros sous forme de prêts, de garanties et de contributions via les fonds européens. L’aide humanitaire a été d’environ 434 millions d’euros avec l’envoi de matériels, l’accueil de réfugiés, l’aide médicale et le soutien aux ONG.

Depuis 2022, la France a aidé l’Ukraine à hauteur de 15,7 milliards d’euros.

Ces montants sont infiniment supérieurs à ceux du soutien à la Palestine.  En 2023, la France a versé environ 38 millions d’euros à l’UNRWA (l’Office de secours des Nations unies pour les réfugiés palestiniens). Cet argent sert à financer des écoles, des dispensaires médicaux, la distribution de nourriture et d’eau potable et des aides d’urgence (abris, soins pour les blessés, etc.). En triplant cette aide, la France passerait à plus de 100 millions. Avec cette somme l’UNRWA pourrait rouvrir ou maintenir des services qui ferment faute de fonds, comme des hôpitaux de fortune ou des distributions alimentaires.

La contribution française au CICR (Comité international de la Croix-Rouge) pour Gaza est d’environ 5 millions d’euros par an, ce qui est très peu. En triplant ce montant, la France renforcerait les convois de secours, le soutien aux hôpitaux de terrain et les programmes de soins psychologiques.

L’écart entre l’aide à la Palestine et l’aide à l’Ukraine est de l’ordre de 1 à 100.

S’agissant des ONG françaises ou partenaires, la France ne verse que quelques millions par an à Médecins du Monde, Première Urgence et Handicap International. En augmentant ces financements, la France pourrait financer plus d’équipes médicales sur place, soutenir des projets d’abris d’urgence et ouvrir davantage de corridors humanitaires avec du matériel.

L’écart entre l’aide à la Palestine et l’aide à l’Ukraine est de l’ordre de 1 à 100. Tripler l’aide humanitaire pour Gaza ne constituerait absolument pas une révolution budgétaire pour la France mais aurait des conséquences concrètes pour sauver des Gazaouis. 

La France peut aussi organiser des ponts aériens et maritimes pour transporter rapidement et massivement de l’aide humanitaire vers Gaza.

La France peut aussi organiser des ponts aériens et maritimes pour transporter rapidement et massivement de l’aide humanitaire vers Gaza. Il s’agit d’affréter des avions militaires et civils et d’organiser des rotations régulières entre la France et un aéroport accessible, par exemple, en Égypte, à Al-Arish, pour transporter des médicaments et kits médicaux, des vivres (riz, farine, eau, lait infantile…), des tentes, groupes électrogènes, équipements d’hygiène, etc. C’est par exemple ce qu’avait fait la France après l’explosion au port de Beyrouth en août 2020, où elle avait envoyé plusieurs avions militaires avec plus de 18 tonnes de matériel médical, des tonnes de farine, des équipes médicales et des ingénieurs. C’est aussi ce qu’ont fait pour Gaza des pays comme la Jordanie ou le Koweït. Le pont maritime consiste lui en l’envoi de navires militaires et civils chargés de matériel humanitaire vers un port sécurisé proche de Gaza. Cela peut inclure un hôpital flottant (comme le navire Tonnerre en 2020), des containers de nourriture, eau potable, carburant et véhicules logistiques. La France a déjà mis en place ce type de mesures pour Gaza mais avec une ampleur bien moindre comparée aux opérations mises en place après l’explosion du port de Beyrouth en 2020. Ces efforts pourraient être largement intensifiés. 

Promouvoir une mission internationale de protection des civils de l’ONU

La France pourrait demander aux Nations unies d’envoyer des forces et observateurs internationaux dans Gaza pour protéger directement les populations civiles en déposant ou co-parrainant une résolution demandant la création d’une mission de maintien de la paix et d’une force d’interposition. 

Des casques bleus armés pourraient protéger les civils, sécuriser des corridors humanitaires, surveiller les cessez-le-feu, etc.

Dans les faits, cela serait difficile à obtenir car il faudrait que cette résolution soit votée par le Conseil de sécurité, sans veto des cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France) et il est probable que les Etats-Unis s’y opposent… Si toutefois cette mission était votée, des casques bleus armés pourraient protéger les civils, sécuriser des corridors humanitaires, surveiller les cessez-le-feu, etc. Des observateurs civils et des militaires non armés pourraient documenter les violations du droit international et jouer un rôle dissuasif. Des zones de sécurité humanitaires protégées pourraient être mises en place, permettant à des civils de se réfugier sous supervision internationale.

Soigner des blessés en France et accueillir des réfugiés

En 2023, le ministère des Affaires étrangères avait déclaré que la France était prête à accueillir des blessés palestiniens, mais dans les faits il n’y a pas eu de programme massif mis en œuvre et très peu de patients palestiniens ont été effectivement accueillis en France.

La France pourrait évacuer des blessés graves depuis Gaza vers des établissements hospitaliers en France.

La France pourrait évacuer des blessés graves depuis Gaza vers des établissements hospitaliers en France, pour leur offrir des soins médicaux qu’ils ne peuvent pas recevoir sur place. Les brûlures, amputations, etc. que ne cessent d’infliger Israël aux femmes, enfants, hommes palestiniens nécessitent des soins indisponibles à Gaza en raison du manque de médicaments, d’équipements et de personnel (Israël détruisant par ailleurs la plupart des hôpitaux). L’évacuation passerait par le poste frontière de Rafah (entre Gaza et l’Égypte), puis par avions médicalisés jusqu’à la France. Certains hôpitaux civils ou militaires (comme celui de Percy) sont équipés pour ce type d’accueil. La France l’a déjà fait pour des blessés syriens, ukrainiens, libyens, etc. 

Depuis 2022, la France a organisé un accueil massif de réfugiés ukrainiens. L’UE a activé la Directive protection temporaire, permettant une prise en charge rapide et coordonnée des Ukrainiens. L’UE et de nombreux pays ont mis en place des procédures simplifiées et des aides financières pour l’accueil, la scolarisation, le travail, et la santé.
L’accueil de réfugiés palestiniens est lui resté très marginal. La France pourrait dans ce cas aussi activer une protection temporaire spécifique, avec des procédures simplifiées. Elle pourrait débloquer un budget dédié à l’hébergement et l’intégration (emploi, éducation, santé), faire des campagnes de sensibilisation et collaborer avec les ONG spécialisées

Soutenir réellement les enquêtes de la CPI sur les crimes de guerre israéliens

Contrairement à Israël et aux Etats-Unis, la France reconnaît la légitimité de la Cour pénale internationale (CPI) qui enquête sur les crimes israéliens en Palestine. En mai 2024, après que le procureur de la CPI a demandé des mandats d’arrêt contre des ministres israéliens, dont Netanyahou, la France a réaffirmé son soutien à la CPI

Mais elle pourrait aller beaucoup plus loin en défendant l’indépendance de la Cour face aux sanctions et pressions des Etats-Unis et d’Israël, en fournissant aux enquêteurs de la CPI des images satellites, des témoignages, des notes des services de renseignement et en soutenant et en s’engageant à respecter les mandats d’arrêt contre les membres gouvernement israélien. 

S’engager pour la reconstruction

À travers l’Agence française de développement (AFD), la France soutient des projets à Gaza dans les domaines de l’éducation, de la santé et du développement économique. Mais ces derniers sont très limités en ampleur et en nombre. La France pourrait investir de manière importante dans la reconstruction des infrastructures en particulier les hôpitaux, les logements et les systèmes d’approvisionnement en eau.

La France pourrait investir de manière importante dans la reconstruction des infrastructures en particulier les hôpitaux, les logements et les systèmes d’approvisionnement en eau.

Le mouvement pro-palestien est parvenu à une petite avancée : nos adversaires utilisent maintenant parfois nos mots et font des déclarations symboliques de protestation contre le massacre. Mais ce n’est pas ce qui sauvera les Gazaouis. Face au génocide et à l’impunité dont bénéficie Israël, la France, et si possible en entraînant l’Union européenne, doit passer à des actions concrètes, comme l’ont fait d’autres pays (le Chili a rappelé son ambassadeur, la Colombie a suspendu ses ventes de charbon, le Royaume-Uni ses ventes d’armes…) . Les leviers existent et sont puissants. Ils sont des objectifs stratégiques concrets de revendication pour le mouvement pro-palestinien : suspendre la coopération militaire, geler les avoirs de tous les responsables, propagandistes et soutiens du régime israéliens, exclure leurs banques du système financier international, interdire le financement de leur dette, boycotter les produits israéliens, fermer les chaînes de propagande, tripler l’aide humanitaire pour Gaza et poursuivre la mise en place de ponts maritimes et aériens, défendre à l’ONU la mise en place d’une mission internationale de protection des civils, évacuer des blessés vers la France et accueillir des réfugiés palestiniens, appuyer la Cour pénale internationale, s’engager pour la reconstruction… autant de mesures capables d’exercer une pression réelle afin de contraindre Israël. C’est le strict minimum que l’on est en droit d’exiger lorsque l’on parle du massacre de dizaines de milliers d’enfants innocents, d’une famine organisée, de l’extermination programmée et méthodique de tout un peuple. 


Visuel : Farton Bink

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Rob Grams
Rob Grams
Rédacteur en chef adjoint
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