Chère Frustration, le RN défend-il réellement les droits des prostitué-e.s ?
Chère Frustration est une rubrique créée pour permettre à nos lectrices et lecteurs de nous adresser des questions, des remarques ou des témoignages sur lesquelles elles ou ils souhaitent une réponse publique de notre part. Aujourd’hui, le comité de rédaction répond à Clément qui s’étonne de voir le RN proposer la réouverture des « maisons closes ».
Pour participer à “Chère Frustration”, écrivez-nous à redaction@frustrationmagazine.fr
« Chère Frustration,
Apparemment le RN, sous l’impulsion du député Jean-Philippe Tanguy, prévoit de déposer un projet de loi autorisant de nouveau les maisons closes, mais sous un format coopératif, donc tenues par les prostituées elles-mêmes, sans domination d’un proxénète.
Passée la surprise de voir l’extrême-droite s’intéresser à un sujet touchant à la précarité des femmes, mineures et/ou racisées pour certaines, mais aussi des personnes queer, je ne peux pas m’empêcher de me demander où est la douille avec ce projet.
La ligne de la droite et de l’extrême-droite est plutôt dans la répression, la culpabilisation, sans chercher à lutter contre l’insécurité, quitte à la créer pour continuer d’exister dans le débat publique. Sans chercher non plus à lutter efficacement contre l’économie souterraine.
On peut débattre sur les moyens d’agir face à la prostitution, néanmoins si l’on compare aux décisions prises sous les quinquennats Sarkozy et Hollande, cette proposition de loi du RN semble plus soucieuse de la situation des prostitué.es. Ce serait, a priori, un moindre mal. Donc j’aimerais comprendre, quelles sont les dérives possibles ou l’idéologie derrière cette proposition de loi ?
Merci à toute l’équipe.
Clément«
Cher Clément,
Merci pour votre question sur cette proposition en apparence étonnante du Rassemblement National.
Sans surprise, ce n’est évidemment pas aux conditions de travail et de vie des travailleuses et travailleurs du sexe auxquelles s’intéresse réellement le RN en agitant le souvenir fantasmagorique de la « maison close », une autre façon de faire appel à la nostalgie d’ « une vieille France perdue » imaginaire – qui ne correspond d’ailleurs pas aux évolutions réelles du travail du sexe. Ce que le RN défend c’est surtout le confort de clientèle masculine et, à la limite, le développement d’un marché. Les principales demandes des travailleuses et travailleurs du sexe, comme, par exemple, l’ouverture d’un compte bancaire professionnel, l’arrêt des expulsions, un meilleur accès aux soins, ou bénéficier d’une protection juridique, ne sont pas évoquées.
Mais surtout, et c’est là toute l’hypocrisie du RN sur cette question, celui-ci souhaite, en cohérence avec ses obsessions xénophobes et anti-immigrées, et comme le disait Marine Le Pen en 2013, « renvoyer » les prostitué-es étranger-es « dans leur pays d’origine » or… 93% des personnes prostituées en France sont étrangères, principalement originaires de Roumanie, de Bulgarie, du Nigéria et de la Chine. Autrement dit : les mesures du RN mettent en grand danger plus de 90% des personnes prostituées – dans ces conditions penser que le RN pourrait être un quelconque recours pour les droits des travailleuses et travailleurs du sexe est une fumisterie.
Par ailleurs le RN s’est toujours opposé aux structures et mesures réduisant les risques associés au travail du sexe (politique de prévention et de dépistage anonyme et gratuit du VIH, IST et MST, droit effectif à l’avortement etc). De la même façon, l’extrême droite banalise la transphobie et propose de réduire les droits des personnes trans – or cette transphobie est un danger parfois mortel pour les personnes trans travailleurs et travailleuses du sexe (en raison de la précarité les personnes trans sont surreprésentées chez les travailleuses et travailleurs du sexe).
Rob Grams
Rédacteur en chef adjoint
