Grâce à Ruffin, Philippe et cie, les chasseurs ont (encore) gagné

En Charente-Maritime comme ailleurs, la fédération départementale de chasseurs a mobilisé ses adhérents : depuis plusieurs semaines, les pancartes fleurissent le long des départementales et à la sortie des villes : “Vive la chasse !” “sauve un chasseur, mange un écolo”, “merci Agnès” ou encore “non à l’intolérance !” (oui). Ils sont allés jusqu’à déployer une immense banderole sur le Fort Boyard, ce qui ne peut se faire que grâce à des moyens conséquents et un soutien passif des autorités. Pourquoi les chasseurs se mobilisent-ils en pleine canicule ? N’ont-ils pas mieux à faire ?
Sud Ouest, journal conservateur régional, a démarré son article du 29 juin sur la mobilisation des chasseurs de façon bien positive : “Les chasseurs savent défendre leurs intérêts et ils le montrent ces derniers temps notamment face au projet du ministère de la Transition écologique d’un moratoire sur la chasse des oiseaux migrateurs.” Comme les agriculteurs de la FNSEA, les chasseurs font partie de ces gens qui ont le droit de taguer, d’afficher sur les ronds-points, de dégrader… sans que la police n’intervienne violemment comme elle le fait pour d’autres groupes militants.
En Charente-Maritime comme ailleurs, la fédération de chasseurs a mobilisé ses adhérents : depuis plusieurs semaines, les pancartes fleurissent le long des départementales et à la sortie des villes : “Vive la chasse !” “sauve un chasseur, mange un écolo”, “merci Agnès” ou encore “non à l’intolérance !” (oui). Comme les agriculteurs de la FNSEA, les chasseurs font partie de ces gens qui ont le droit de taguer, d’afficher sur les ronds-points, de dégrader… sans que la police n’intervienne violemment comme elle le fait pour d’autres groupes militants.
Presque toute la classe politique se mobilise d’ailleurs à leurs côtés, en ces jours de canicule historique où l’on pourrait croire que ces adversaires assumés de l’écologie ne sont pas la priorité du moment. Le 27 juin, l’ex-premier ministre bourgeoisiste Edouard Philippe s’est rendu à leur rencontre à Dieppe, a écouté leurs doléances et “À l’écoute”, il “s’est engagé à transmettre ces préoccupations au gouvernement.” Plus surprenant, le député de gauche de Picardie et candidat à la présidentielle François Ruffin s’est fendu d’un communiqué, sur sa page Facebook officielle, pour soutenir les chasseurs. S’adressant à la ministre de l’écologie, il la sermonne en ces termes : “Madame la ministre, Vous avez pris, à la hâte, sans discussion, sans concertation, des décisions concernant la chasse. Notre pays est inflammable, et également la Picardie. Aussi, je vous demande d’en revenir au dialogue avec les premiers concernés, avec les associations, de se donner le temps de l’échange. Sur ce dossier, comme sur d’autres, votre gouvernement devrait viser l’apaisement, dans une France divisée, sous tension. Ne rallumez pas la guerre des chasses dont notre région a souffert. Avec mes sentiments républicains, François Ruffin”.
Le 27 juin, l’ex-premier ministre bourgeoisiste Edouard Philippe s’est rendu à leur rencontre à Dieppe, a écouté leurs doléances et “À l’écoute”, il “s’est engagé à transmettre ces préoccupations au gouvernement.” Plus surprenant, le député de gauche de Picardie et candidat à la présidentielle François Ruffin s’est fendu d’un communiqué, sur sa page Facebook officielle, pour soutenir les chasseurs.

Mais quelles sont donc ces terribles décisions que le gouvernement a prises, qui mettent les chasseurs en colère et qui suscitent la compassion d’un député de gauche ?
La mise en œuvre d’un jour garanti sans chasse, pour protéger les promeneurs et les sportifs, comme le veulent 78% des français sondés et comme c’est le cas au Portugal, au Pays-Bas, en Italie et dans plusieurs régions espagnoles, allemandes et suisses ?
Une baisse des aides publiques aux fédérations de chasse, qui sont passées, durant les années Macron, de 27 000 euros, en 2017, à 6,3 millions, en 2020, puis à 11,46 millions d’euros en 2021 ? Au point que le coût du permis de chasse a été réduit de moitié, augmentant considérablement le nombre de licenciés ?
Pas du tout. Cette catégorie de la population opprimée, qui est composée à près de 30% de cadres et professions intellectuelles et majoritairement d’urbains, contrairement aux tenaces idées reçues, se bat contre un tout autre fléau : le gouvernement prévoyait d’augmenter le nombre d’espèces protégées et de réduire certaines périodes de chasse.
Cette catégorie de la population opprimée, qui est composée à près de 30% de cadres et professions intellectuelles et majoritairement d’urbains, contrairement aux tenaces idées reçues, se bat contre un tout autre fléau : le gouvernement prévoyait d’augmenter le nombre d’espèces protégées et de réduire certaines périodes de chasse.
En février dernier, la Commission européenne avait annoncé poursuivre l’Etat français en justice pour violation de la réglementation concernant la protection des oiseaux sauvages. Un an auparavant, l’Union Européenne avait mandaté des scientifiques pour faire l’état des lieux des populations d’oiseaux migrateurs et les conclusions étaient alarmistes : Aussi, l’UE avait réclamé à ses États membres des moratoires temporaires (arrêt de chasse) pour les Fuligule milouin (- 30% en 16 ans), canard siffleur (-50% en 12 ans), caille des blés (- 25% en 10 ans) et grive mauvis (- 19% en 10 ans) ; ainsi qu’une réduction de moitié des prélèvements (mot poli pour dire “abattage”) pour les canard pilet (- 34% en 17 ans), canard souchet (- 19% en 14 ans) et sarcelle d’hiver (- 21% en 13 ans).
L’UE avait réclamé à ses États membres des moratoires temporaires (arrêt de chasse) pour les Fuligule milouin (- 30% en 16 ans), canard siffleur (-50% en 12 ans), caille des blés (- 25% en 10 ans) et grive mauvis (- 19% en 10 ans) ; ainsi qu’une réduction de moitié des prélèvements (mot poli pour dire “abattage”) pour les canard pilet (- 34% en 17 ans), canard souchet (- 19% en 14 ans) et sarcelle d’hiver (- 21% en 13 ans). En France, cela n’aura pas lieu.
Contrairement à ce que dit Ruffin, soutien des chasseurs (il était présent lors de l’Assemblée Générale (AG) des chasseurs de la Somme en mars dernier, n’ayant apparemment pas plus urgent dans son agenda), il y a bien eu concertation : mais celle-ci a été boycottée par la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) et son président, Willy Schraen. Pour eux, hors de question de discuter de quoi faire en cas d’effondrement de la population d’espèces. Rien n’est trop beau pour les chasseurs et pourquoi se priver ? Personne n’ose les défier, que cela soit au niveau local ou national.
17 000 personnes ont signé une pétition (plus d’un million avait signé celles contre la réforme des retraites), les députés comme Ruffin et tant d’autres sont montés au créneau, des mobilisations locales ont eu lieu… et le gouvernement s’est couché : aucune espèce ne sera protégée. Victoire pour les chasseurs, l’une des minorités actives les plus influentes de France. Le lobby de la mort, de la nuisance rurale et de la disparition des oiseaux migrateurs “tient à saluer la mobilisation exceptionnelle des nombreux élus des territoires. Des parlementaires en particulier.”
Victoire pour les chasseurs, l’une des minorités actives les plus influentes de France. Le lobby de la mort, de la nuisance rurale et de la disparition des oiseaux migrateurs “tient à saluer la mobilisation exceptionnelle des nombreux élus des territoires. Des parlementaires en particulier.”
Contrairement aux clichés, largement entretenus par les moqueries contre le chasseur « beauf » et alcoolique, qui sont méritées mais erronées sur le plan sociologique, les chasseurs ne sont pas des ruraux modestes et amateurs de traditions. Ce sont des notables, des gens qui comptent, localement, mais aussi au niveau national. Une partie de la bourgeoisie française aime et pratique la chasse. Elle est de moins en moins populaire, comme le montre le sociologue Benoît Coquard et comme l’a rappelé Emma Conquet dans un article dédié à la question. On ne peut pas comprendre le poids politique des chasseurs si l’on ne prend pas acte de cette évolution : de plus en plus, le chasseur est un notable déguisé en rural, qui se nourrit de la violence et de l’entre-soi de sa pratique pour conforter sa domination de classe sur le reste du pays. Cette minorité agissante, qui pourrit la vie des campagnards et détruit le monde animal a encore remporté une bataille, avec le soutien d’alliés inattendus.
On ne peut pas comprendre le poids politique des chasseurs si l’on ne prend pas acte de cette évolution : de plus en plus, le chasseur est un notable déguisé en rural, qui se nourrit de la violence et de l’entre-soi de sa pratique pour conforter sa domination de classe sur le reste du pays.
Pendant ce temps, les 53% de Français qui se disent opposés à la chasse, les 89% qui trouvent qu’elle est dangereuse, n’ont que leurs yeux pour pleurer. Ils ne sont pas une minorité de notables et de violents que les parlementaires et les gouvernements décident de choyer. Sur la chasse aussi, l’absence de démocratie en France, au niveau local comme national, est éclatante. Sortons du cliché sur les pauvres chasseurs et combattons ces notables subventionnés, choyés et aidés par la classe dominante.
Rédaction
