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Faut-il « être Charlie » à tout prix ?

charlie kirk

Charlie Kirk était un polémiste d’extrême droite américain. Il a été tué d’une balle de fusil sur le campus de l’Université de l’Utah en plein jour, au cours d’une rencontre qu’il organisait avec les étudiants. Parmi ses nombreuses prises de position controversées, il estimait que les victimes de fusillades représentaient un prix acceptable à payer pour conserver le droit absolu au port d’armes. Il minimisait ce type de violence lorsqu’une balle lui a sectionné la carotide au niveau du cou.

Le jeune multimillionnaire de 31 ans vient s’ajouter à une longue liste de victimes des armes à feu. Il s’agit de la 46e fusillade sur un lieu d’enseignement américain depuis le début de l’année, la 47e ayant eu lieu une heure plus tard dans un lycée du Colorado. Mais ce n’est pas par ce prisme qu’a été analysée la tragédie. Car elle s’inscrit dans un cycle de violence politique aussi vieux et sanglant que l’histoire des États-Unis. Ce pays, colonisé via le génocide amérindien et bâti sur un système d’esclavage s’étant soldé par une guerre civile, nous a habitués aux assassinats politiques. Abraham Lincoln, John et Robert Kennedy, Malcolm X, Martin Luther King, Fred Hampton, Harvey Milk… On pourrait également citer, au hasard, les tentatives d’assassinat sur Ronald Reagan et Donald Trump. Si, de ce point de vue, le meurtre de Charlie Kirk n’a malheureusement rien “d’inédit”, cette tragédie pourrait faire basculer le pays dans un cycle de violence et d’autoritarisme particulièrement inquiétant.

Fred Hampton, des Black Panthers, fut assassiné par la police à l’âge de 21 ans. Les Etats-Unis ont une longue histoire de violences politiques.

Les tensions politiques sont au plus haut depuis le retour au pouvoir de Donald Trump. Ce dernier n’hésite plus à dépêcher l’armée pour occuper les villes gouvernées par des démocrates pendant que sa police des frontières multiplie les rafles d’immigrés suspectés d’être en situation irrégulière. Ce contexte explosif explique en partie pourquoi toutes les personnalités publiques proches du Parti démocrate ou de la gauche au sens large se sont empressées de dénoncer le crime et d’exprimer leur solidarité envers les proches de Charlie Kirk. Certains, comme Bernie Sanders, avec une clarté salutaire. D’autres en chantant les louanges de cette figure majeure du trumpisme.

Plus surprenante, cette effusion d’empathie (terme que Charlie Kirk fustigeait comme “un mot New Age, sans fondement”) a traversé les frontières. Et pas uniquement dans les sphères d’extrême droite. Un grand nombre de députés du Parlement européen a observé une minute de silence en l’honneur du polémiste. En France, le journaliste des matins de France Culture Guillaume Erner a pondu un édito intitulé “Je suis Charlie Kirk”, en écho à la tribune “J’aimais beaucoup Charlie Kirk” publiée par sa consoeur Emma Becker dans les colonnes du Figaro. Le ministère des Affaires étrangères français a également diffusé un communiqué officiel pour dénoncer l’assassinat et exprimer sa solidarité avec les proches de la victime. Un égard auquel n’avait pas eu droit l’élue démocrate du Minnesota Melissa Hormann et son époux, assassinés à leur domicile au mois de juin par un sympathisant de Donald Trump. Arrêté en possession d’une liste de 70 cibles à abattre, parmi lesquels figuraient de nombreux politiciens et membres de la société civile impliqués dans la défense du droit à l’avortement, le meurtrier avait grièvement blessé par balle un autre élu démocrate et sa femme à leur domicile quelques heures plus tôt. Si la violence politique touche les deux côtés de l’échiquier, le Catho Institue (un cercle de réflexion conservateur) estime que l’extrême droite tue six fois plus que l’extrême gauche, confirmant la disproportion démontrée par les études universitaires et un rapport ministériel discrètement retiré du site internet du gouvernement par l’administration Trump. Une raison de plus de s’interroger sur la couverture médiatique à géométrie variable accompagnant ces tragédies.

Bernie Sanders a vivement condamné l’assassinat de Charlie Kirk

Le contraste entre les réactions de la classe dominante suite à la mort de Charlie Kirk et son silence complaisant à propos du génocide en cours à Gaza (dont Kirk niait encore récemment la réalité) interpelle. Pour comprendre pourquoi le meurtre de cet “influenceur trumpiste” a bouleversé l’actualité politique jusqu’en France, il faut commencer par revenir sur ce qu’il incarnait.

Charlie Kirk, un responsable politique en croisade contre la liberté d’expression

Ezra Klein, un des éditorialistes américains les plus influents auprès des élites du Parti démocrate, a publié une tribune dans le New York Times intitulée “Charlie Kirk faisait de la politique de la bonne manière”. Il y explique que “vous pouvez détester la plupart des opinions de Kirk, la proposition suivante reste vrai : Kirk faisait de la politique exactement de la bonne façon. Il se rendait sur les campus universitaires et débattait avec n’importe quelle personne voulant échanger avec lui. Il était l’un des praticiens de la persuasion les plus efficaces de son époque.” D’autres ont ainsi salué sa passion pour l’échange d’idées, pointant le fait qu’il était mort en faisant ce qu’il affectionnait le plus : débattre publiquement. En effet, Kirk avait fait de ces joutes verbales sur les campus sa marque de fabrique, au-delà de son podcast (The Charlie Kirk Show) et ses interventions en studio. Avec leur mise en scène soignée, elle permettait « de produire des clips pour diffuser nos idées sur les réseaux sociaux », comme l’expliquait Kirk lui-même.

Kirk s’adressant aux participants de son American Comeback Tour à l’université d’État de Floride, le 28 février 2025. Crédit : By Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America – Charlie Kirk, CC BY-SA 2.0

Les médias français ont, une fois de plus, repris le cadrage du New York Times voire de Fox News pour nous le présenter comme un courageux Youtubeur attaché à la liberté d’expression. Son meurtre serait ainsi comparable, pour Guillaume Erner, aux attentats contre Charlie Hebdo.

Kirk n’était pas un simple influenceur trumpiste. Il avait fondé Turning Point USA, une organisation militante tournée vers la jeunesse. Disposant de plus de deux mille sections (Chapters) à travers les campus universitaires et lycées du pays, elle est devenue un rouage essentiel du Parti républicain pour gagner des voix auprès des primo votants et mobiliser les jeunes électeurs conservateurs. Ces derniers sont ensuite encouragés à faire du porte-à-porte en période électorale. Kirk a bâti cette machine en usant de son talent de provocateur, mais également grâce au premier gros chèque de son père puis aux millions de dollars de financement issus d’ultras riches donateurs républicains. Turning Point permettait à son fondateur d’être reçu par Donald Trump et lui conférait un rôle d’organisateur et de stratège capable de tisser des liens entre les différentes factions de la droite radicale américaine.

Cette force de frappe lui a permis de mettre en place School Board Watchlist et Professor Watchlist, deux organisations visant à mener la bataille culturelle au sein des écoles et universités. Leurs méthodes incluent l’établissement de listes d’enseignants et intellectuels à cibler. Cette pratique du doxing en vue d’encourager un harcèlement massif fait vivre un véritable enfer à de nombreuses victimes, dont l’universitaire Stacey Patton, qui livrait un témoignage poignant de son calvaire. Menaces de mort et pression sur la hiérarchie pour obtenir le licenciement d’individus jugés trop à gauche font partie des modes opératoires de ces organisations. Catherine Pendergast, professeur d’anglais à l’Université de l’Illinois, a ainsi pu recevoir un email de Kirk en 2025 où ce dernier écrivait “n’oublie pas, chérie, que Pol Pot a d’abord tué des professeurs d’Université”. Certains journalistes ont également été pris pour cible, Kirk n’hésitant pas à demander l’expulsion de Mehdi Hassan, un Américano-Britannique qui présentait une émission sur la chaîne MSNBC.

Charlie Kirk, un activiste adepte de la violence politique

Notre charmant youtubeur n’utilisait pas uniquement des tactiques d’harcèlement aux conséquences particulièrement violentes pour parvenir à ses fins. Il a également joué un rôle important dans la propagation de la théorie complotiste selon laquelle Joe Biden aurait volé l’élection de 2020. Une thèse maintes fois réfutée par les tribunaux américains, ce qui n’avait pas empêché Kirk de contribuer à l’organisation de la manifestation ayant débouché sur l’insurrection violente contre le Capitole. Son organisation avait affrété des bus pour envoyer ses militants à Washington DC et financé le discours d’une intervenante.

Invasion du Capitole par les partisans de Donald Trump en 2021. Crédit : By US Capitol Police security camera footage – YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=5rGmsXweEV0 – View/save archived versions on archive.org and archive.today, Public Domain

Non seulement il admettait « je déteste le mot démocratie, je ne suis pas fan de la démocratie”, mais il encourageait ses auditeurs à s’armer, tout en concédant qu’il serait peut-être nécessaire de prendre les armes “lorsque toutes les voies légales auront été épuisées”. Sa rhétorique violente incluait des déclarations comparant les années sous Joe Biden à “un régime fasciste” et “une tyrannie” perpétuée par “des vermines”. Il qualifiait le président démocrate de “traître à la nation” et jugeait son discours national de 2022 “Hitlérien”. L’immigration était présentée comme une “invasion” et une menace existentielle justifiant d’acheter des armes à feu et des munitions et de ne jamais sortir de chez soi sans un calibre, car “c’est Mad Max, vous ne pouvez compter que sur vous même”. Kirk avait fait la promotion d’un livre louant la torture et les massacres d’opposant politiques perpétués par Franco, un ouvrage appelant implicitement à tuer ou expulser les responsables politiques de gauche. Pour Chris Hedges, prix Pulitzer de journalisme et pasteur protestant, Kirk est une figure majeure du courant “fasciste chrétien” sur lequel il a longuement enquêté.

Des positions à la droite des partis d’extrême droite français

Toutes les opinions ne se valent pas. En France, un grand nombre de propos tenus par Kirk vaudraient une condamnation pour incitation à la haine raciale ou antisémitisme. Lorsque Charlie Kirk dit que “les Noirs rôdent et ciblent les Blancs pour s’amuser, cela arrive tout le temps dans les villes américaines, c’est un fait”, cela s’inscrit dans une vision particulière de la société. Pour lui, le Civil Right Act de 1969 (mettant fin à la ségrégation raciale aux États-Unis) constituait une “erreur” et Martin Luther King était une personne “exécrable”. Il pourfendait la discrimination positive et répétait “si je monte dans un avion et que je vois que le pilote est noir, je me dis “pourvu qu’il soit compétent”.

Charlie Kirk qualifiait Martin Luther King Jr de « personne exécrable » et s’opposait à la fin de la ségrégation raciale. Crédit By National Park Service – Martin Luther King Jr National Historic Site, CC BY 2.0

De même, il affirmait que “La philosophie anti-blanc a majoritairement été financée par des donateurs juifs dans ce pays” dont l’influence marxiste s’étendrait “pas uniquement dans les universités, mais aussi dans les ONG, les films, Hollywood, tout”. Kirk proposait de placer ces personnalités juives sur des listes. Il revendiquait des idées islamophobes, déclarant “l’islam est incompatible avec la civilisation occidentale” et estimant qu’elle “est la lame qu’utilise la gauche pour trancher la gorge de l’Amérique”. Il était un fervent défenseur de la thèse conspirationniste et raciste dite du “grand remplacement”. Son opposition au droit à l’avortement (qu’il considérait pire que l’holocauste) était jugée radicale, y compris dans son propre camp. Son anti féminisme l’avait poussé à interpeller Taylor Swift suite à son mariage (“Abandonne le féminisme. Soumets-toi à ton mari, Taylor. Ce n’est pas toi qui décides”). Opposé aux droits des trans et tenant des propos flirtant avec l’homophobie, Kirk défendait ardemment la politique migratoire de Donald Trump. Cette dernière consiste à effectuer des rafles d’individus suspectés d’être sans papier sur la simple base de leur couleur de peau. Ils sont parqués dans des camps de détention où les conditions de vie sont intentionnellement insupportables, afin de les décourager d’utiliser tous leurs recours judiciaires avant d’être expulsés comme des colis Amazon.

Charlie Kirk était aussi, évidemment, climato-scéptique, alors que nous parlons de ce que le consensus scientifique classe comme l’un des trois principaux risques pesant sur notre espèce. Les politiques souhaitées par Kirk et mises en place par Trump accélèrent la catastrophe climatique, rendent notre planète inhabitable de manière accélérée. Défendre ce crime contre l’humanité auprès d’un jeune public pourtant plus sensible aux questions climatiques que la moyenne des Américains présente un élément particulièrement critiquable.

L’instrumentalisation du meurtre a débuté avant que le décès ne soit prononcé

Elon Musk a tweeté “La gauche est le parti du meurtre” avant que le décès de Charlie Kirk soit prononcé. Quelques heures plus tard. il ajoutait “S’ils ne nous laissent pas vivre en paix, nous devons contre-attaquer”. Malgré les multiples condamnations du meurtre par tout ce que la gauche américaine prise au sens large compte de responsables et intellectuels, la sphère trumpiste a immédiatement sauté sur l’occasion pour instrumentaliser ce drame. Aux appels à la vengeance plus ou moins explicites se sont ajoutées les multiples déclarations visant à tenir “la gauche” responsable de l’assassinat de Charlie Kirk. Et ce, avant que la moindre information sur le tueur ne soit connue.

Après l’assassinat, Elon Musk, un des capitalistes les plus riches du monde, foncièrement d’extrême droite, a qualifié la gauche de « parti du meurtre ». Crédit : By Steve Jurvetson – https://www.flickr.com/photos/jurvetson/50280652497/, CC BY 2.0

En parallèle, la Maison-Blanche a déployé des efforts considérables pour ériger Kirk en martyr. Son cercueil a été rapatrié à l’aide de l’avion officiel Air Force 2, Trump a ordonné un hommage national et doit prendre la parole lors de l’enterrement. Il lui a attribué la Presidential Medal of Freedom, équivalent de notre Légion d’honneur, à titre posthume. Comme l’écrivait Chris Hedges le lendemain du meurtre “Les martyrs sont les poumons des mouvements politiques violents. Toute hésitation à recourir à la violence, la moindre évocation de compassion ou de compréhension, le moindre effort pour modéré ou discuter devient une trahison envers la cause pour laquelle le martyr est mort.” Les martyrs sacralisent la violence. Ils sont utilisés pour inverser l’ordre moral. La haine devient une vertu. Les crimes, la justice (…) la guerre, une esthétique ultime.

Dans une vidéo marquée par l’absence d’appel à l’apaisement ou l’unité nationale, Trump a évoqué la perte d’un “martyr de la vérité et de la liberté”. Quatre jours plus tard, le vice-président des États-Unis JD Vance a exceptionnellement présenté l’épisode hebdomadaire du Charlie Kirk Show depuis la Maison-Blanche. De nombreux intervenants s’y sont succédé pour tenir un discours vengeur contre un “ennemi intérieur” sur fond de référence biblique. Tous les éléments propres au fascisme y étaient présents. Et ce, alors que le mobile du meurtre restait inconnu.

Le tueur présumé serait un loup solitaire apolitique, pas un militant d’extrême gauche

L’acte d’inculpation publié par le procureur de l’Utah invalide de nombreuses théories sur l’identité et les motivations du tueur présumé. Tyler Robinson est un jeune homme blanc de vingt-deux ans. Il a grandi dans une famille chrétienne et conservatrice obsédée par les armes à feu. Son père est un ancien officier de police décrit comme un trumpiste convaincu. Les fichiers électoraux montrent qu’il n’avait pas d’affiliation avec un parti politique ni n’avait voté aux deux dernières élections (aux États-Unis, on peut s’enregistrer comme Républicain ou démocrate lors de l’inscription sur les listes électorales, afin de pouvoir participer aux primaires de ces partis. Ces listes permettent aussi de savoir si une personne a voté à un scrutin donné, sans connaître la nature de ce vote). Ses bons résultats scolaires lui avaient permis d’obtenir une bourse universitaire. Mais il a abandonné les études en plein covid et semble s’être beaucoup investi dans les jeux vidéos, où il utilisait fréquemment le pseudonyme “Donald Trump”. Présent sur de multiples forums de discussion Discord, dont un journaliste indépendant a obtenu de nombreux extraits, il apparaît apolitique. Ce que confirment ses amis, surpris par son acte.

Tyler Robinson, 22 ans, est le principal suspect dans l’assassinat de Charlie Kirk. Crédit : By Utah Department of Public Safety – Original publication: Taken by employee upon Robinson’s arrest in Utah County JailImmediate source: https://www.ndtv.com/world-news/fbi-releases-mugshots-of-charlie-kirks-murder-suspect-tyler-robinson-9266783, Fair use

Le dossier d’accusation du procureur allègue une radicalisation politique récente et vers l’extrême gauche, sur la seule base des déclarations de sa famille évoquant son ralliement aux causes LGBT. Robinson s’était mis en couple avec une personne en transition de genre avec qui il était en colocation. Dans les échanges de SMS révélés par le dossier d’inculpation, Tyler lui explique avoir planifié le meurtre “un peu plus d’une semaine à l’avance”, . Sa relation amoureuse n’arrive pas à croire que Tyler ait pu commettre le meurtre. À la question “pourquoi as-tu fait ça”, Robinson répond “je n’en pouvais plus de cette haine. À un certain niveau de haine, il n’est plus possible de négocier”.

Quant aux fameuses inscriptions retrouvées sur les munitions, Robinson confirme qu’il s’agit “essentiellement d’un gros meme”, une blague en référence à la subculture de certains jeux vidéo en ligne. “Si je vois [ce message] s’afficher sur FoxNews, je vais mourir de rire”, ajoute-t-il. Selon le procureur, il envisageait de se suicider avant que ses parents le convainquent de se rendre. Ils l’avaient contacté après l’avoir reconnu sur les images diffusées par le FBI et après avoir noté la ressemblance du fusil retrouvé par la police avec celui qu’ils avaient offert à leur fils.

De nombreuses choses restent incertaines. Si les motivations du tueur présumé peuvent être qualifiées de politique et sa stabilité mentale remise en question, il semble évident qu’il ait agi seul et ne situe pas son crime dans un combat politique théorisé. Trois policiers chargés de l’enquête confiaient à NBC news qu’”aucun lien avec une organisation classé à gauche n’a pu être établi à ce jour”. 

Ce qui n’empêche pas la Maison-Blanche de se lancer dans un vaste effort de répression politique contre tout ce qui pourrait constituer un opposant, au nom de Charlie Kirk. Déjà, des journalistes, pompiers, humoristes et enseignants ont été licenciés par leurs employeurs suite aux pressions de l’extrême droite.

Le meurtre de Charlie Kirk repose la question de la violence

Les meurtres ne sont jamais acceptables et doivent toujours être condamnés. Pour des raisons morales et éthiques, mais également stratégiques, comme le rappelle Jacobin, le principal média lié à la gauche radicale américaine. Accepter les assassinats d’adversaires politiques revient à accepter de vivre dans un monde où ils sont monnaie courante et ciblent tous les bords. Comme le rappelait Bernie Sanders, la démocratie et la liberté dépendent de la possibilité de débattre et de s’organiser collectivement, y compris dans l’espace public.

L’assassinat de Charlie Kirk n’a pas créé la même réaction que celui du PDG d’United HealthCare. Crédit : vidéo de l’assassinat de Brian Thompson.

Le meurtre du PDG d’United HealthCare avait été suivi d’un large mouvement de sympathie envers le tueur présumé, Luigi Mangione. Il avait également permis une libération de la parole des Américains exprimant les tragédies vécues par la faute des assurances maladie privées. L’assassinat de Kirk n’a pas suscité la même réaction. Si certains Américains se sont réjouis ou ont refusé de condamner ce drame sur les réseaux sociaux, il s’agit de cas minoritaires, comme le montrent les enquêtes d’opinions récentes.

Pour accuser la gauche de complicité, le camp trumpiste se concentre sur la rhétorique employée par cette dernière, qui qualifie parfois le président et ses alliés de fascistes. Or, selon l’argument repris en France sur les plateaux télévisés de C Ce soir et C Politique sans susciter de réaction, qualifier quelqu’un de nazi reviendrait à appeler à son meurtre, car face au fascisme, recourir à la violence serait un impératif moral. Ce sophisme est un piège rhétorique permettant d’inverser la responsabilité. On peut qualifier un nazi de nazi sans que cela constitue une incitation à la violence.

L’argument déployé par Trump et ses troupes est d’autant plus hypocrite que le président américain qualifie régulièrement ses adversaires politiques “d’ennemis intérieurs” , de “fascistes”, “animaux”et de “vermine”. Y compris via des attaques personnelles. Depuis son entrée sur la scène politique nationale en 2015, mais plus particulièrement lors de la dernière campagne présidentielle. Charlie Kirk lui-même avait déclaré “il nous faut immédiatement un procès type Nuremberg pour toutes les médecins fournissant des soins liés aux thérapies d’affirmation de genre”. Il n’hésitait pas à affirmer que “le Parti démocrate déteste ce pays. Il aimerait le voir s’effondrer”.

Les trumpistes avaient du mal à cacher leur excitation suite à la mort de Charlie Kirk. L’un d’entre eux postant sur X que cet évènement devait constituer “notre incendie du Reichstag à nous”, en référence à l’évènement qui avait servi aux nazis pour mener une série d’assassinats politiques contre leurs opposants. Son tweet a reçu plus de 32 milles likes. Il constitue un exemple parmi tant d’autres.

France Info a diffusé l’enterrement de Charlie Kirk en direct dans une émission où intervenaient deux anciens chroniqueurs de CNews. La capture d’écran montre le discours de Stephen Miller, le monsieur immigration de Donald Trump. 

Les réactions observées en France témoignent de l’affaissement intellectuel de notre bourgeoise. Oscillant souvent entre confusionnisme et récupération, elles démontrent le haut niveau de perméabilité de notre classe dirigeante envers l’idéologie réactionnaire américaine. Au point de diffuser en direct l’enterrement de Kirk sur le service public.L’importation des “guerres culturelles”, matérialisées par des croisades contre des concepts aussi obscurs que “le wokisme” et la “cancel culture” ont préparé notre bourgeoisie à se fondre dans le mouvement de fascisation qui se répand depuis les États-Unis à travers le monde.Se soumettre aux injonctions de l’extrême droite américaine pour se déclarer “Charlie à tout prix” et ériger cette figure en Martyr ne provoque aucun apaisement de sa part. Au contraire, cela renforce sa volonté de domination. S’il faut condamner le meurtre de Charlie Kirk, comme il faut condamner le meurtre de chaque civil palestinien de Gaza, “être Charlie Kirk” entretient le confusionnisme général dont se nourrit le fascisme rampant.

Photo d’illustration : Par Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America — Donald Trump & Charlie Kirk, CC BY-SA 2.0

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